Peu de monde se souvient de « Duelles », un très bon et beau film belge entre drame psychologique et suspense coulé dans une ambiance sixties qui nous racontait l’histoire de deux mères, voisines et meilleures amies qui vont finir par se soupçonner puis se déchirer suite à un terrible accident. Le film d’Olivier Masset-Depasse se suffisait à lui-même mais des producteurs ont probablement cru (à raison) que le public américain ne serait pas friand d’un film en langue étrangère avec un casting inconnu. Nous voilà donc, cinq ans après, face à son remake plutôt fidèle mais, il faut l’avouer, totalement inutile si on a vu la première version. Et c’est un français exilé à Hollywood depuis longtemps, en tant que directeur de la photographie sur des œuvres comme « Des hommes sans loi » ou « Free State of Jones », qui s’y colle pour son premier passage derrière la caméra avec un duo d’actrices célèbres et glamour personnifié par Jessica Chastain et Anne Hathaway. Il y a tellement peu d’ajouts et de différences hormis quelques ajustements narratifs, la distribution et le contexte spatial - puisque on se retrouve forcément dans l’Amérique résidentielle et bourgeoise des années 60 en lieu et place de celle de la Belgique - qu’il est préférable de ne pas avoir vu l’excellente première mouture pour apprécier celle-ci, qui nous semble conséquemment plutôt vaine.
« Mothers Instinct » a beau être court (une heure et demie au compteur), il nous semble parfois un peu lent et longuet, en gros moins directement captivant que l’original. Mais le venin se distille aussi ici aussi au compte-gouttes et de manière insidieuse et le duel entre ces deux mères meurtries est plutôt bien tenu. Le suspense psychologique qui s’installe est de bonne tenue et, si on ne se souvient pas des tenants, aboutissants et des révélations du premier film, on a toujours le droit à quelques bonnes surprises. Notamment la fin qui s’avère plutôt surprenante et loin de ce qu’Hollywood a l’habitude de nous offrir en la matière. On est donc satisfait que la machinerie à broyer les talents et les histoires au sein de ces collines mythiques du septième art n’ait pas aseptisé la conclusion par un happy-end qui aurait tout aussi bien collé à l’histoire mais nous aurait probablement semblé plus convenu.
La valeur ajoutée de « Mothers Instinct » vient incontestablement des deux comédiennes choisies ici. D’abord complices et proches, on sent leur affection mutuelle. Puis, vient l’accident qui va rebattre les cartes et les rendre suspicieuses l’une envers l’autre puis clairement ennemies. Jessica Chastain est très investie, comme à son habitude, tandis qu’Anne Hathaway ajoute un nouveau rôle trouble avec maestria à ceux qu’elle semble affectionner depuis quelques temps, comme dans le récent « Eileen ». Tout cela est fait avec réalisme, par petites touches, et on se demande vraiment à laquelle des deux s’identifier durant tout le long-métrage, les maris restant au second plan et ne sachant jamais laquelle des deux a raison et laquelle semble prête à sombrer dans la folie. On peut aussi vanter la direction artistique de toute beauté de Delhomme, logiquement soignée au vu de son métier premier, qui nous fait penser à une œuvre aux teintes formelles similaires : le « Loin du Paradis » de Todd Haynes avec ses banlieues tranquilles, lieux de sombres drames et secrets. Au final, si ce remake s’avère profondément accessoire et moins percutant que son aîné, il n’en demeure pas moins agréable à regarder.
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