Modèles d'épouses/mères au foyer tels que l'Amérique rétrograde des 60's pouvait le concevoir, Alice et Celine sont les meilleures amies et voisines du monde, vouant leurs existences respectives au bonheur de leurs maris et de leurs enfants. Néanmoins, si Celine s'épanouit dans sa condition, Alice, elle, rêve de reprendre sa carrière de journaliste qu'elle a abandonné au profit de sa famille...
Un jour, la plus terrible des tragédies bouleverse la tranquillité de leur quotidien et va peu à peu déchirer les deux femmes dans un climat de suspicions et de paranoïa à l'égard l'une de l'autre...
"Mother's Instinct" est hélas la parfaite démonstration que le talent réuni de deux excellentes actrices ne peut pas porter un film à lui tout seul... Pourtant, pourvu de belles qualités formelles, ce premier long-métrage du directeur de la photographie belge Benoît Delhomme (et remake du "Duelles" d'Olivier Masset-Depasse) ne partait pas si mal, installant plutôt bien ce quotidien d'American way of life typique, voyant la femme cantonnée et souvent étouffée dans la servitude de ce rôle caricatural de mère/épouse dessiné par une société patriarcale. Et cette idée d'en faire éclater le vernis par les conséquences inextricables d'un épouvantable accident, où la culpabilité et la souffrance d'un deuil vont faire se muer le film en un espèce de thriller aux contours hitchcockiens, chargé d'exposer les névroses et les maux la plupart du temps tus derrière ces décors de banlieue, n'a certes pas l'apanage de l'originalité mais demeure un écrin solide à une bonne vieille critique sociétale en règle de cette image d'Épinal américaine.
Sauf que, passé l'immixtion dans la noirceur par la plus vive des douleurs et la fracture émotionnelle qui en découle autour de ces deux amies (le film tient encore bien la route sur ces points), "Mother's Instinct" ne va cesser d'épaissir le trait de son écriture pour se focaliser sur un suspense de pacotille, larvé de situations caricaturales voire même grotesques sur un acte final qui ne s'embête même plus à rester vraisemblable tant il paraît inconcevable (comment une telle accumulation de "hasards" n'a pu éveiller les soupçons d'absolument personne ?).
Et tout ce qui aurait pu faire le sel de "Mother's Instinct" sur la folie de se maintenir par tous les moyens dans un rôle imposé par les conventions sociales, le schisme grandissant entre mari/épouse dès qu'un bonheur de façade se fissure, le moindre problème d'une femme considéré comme de l'hystérie à soigner à grands renforts de médicaments (quand ce n'est pas derrière des murs capitonnés) ou, plus largement, un traumatisme insurmontable qui vient gangrener un mode de vie incapable de le regarder en face, va finalement se retrouver dilué par les virages toujours plus convenus d'un thriller sans grande inspiration.
Même si Jessica Chastain et Anne Hathaway ont beau ne pas démériter, ce "Mother's Instinct" ne leur rend clairement pas justice sur la durée, la deuxième ne pourra d'ailleurs pas faire grand chose dans la dernière partie tant son personnage se réclame d'une immense suspension d'incrédulité à lui tout seul...