Le film s'adresse à ceux qui ont vu la série, dont il est la conclusion. Je conseille sincèrement à ceux qui ont été intimement réceptif au personnage de Violet et à son histoire de passer leur chemin (il y a un autre film Violet Evergarden qui est lui, un moment plus agréable).
Avant tout ce que je vais écrire, je tiens à ce qu'une chose soit bien claire pour ceux qui me liront. J'ai été profondément touché et bouleversé par l'ensemble de la série Violet Evergarden et j'ai aimé pouvoir faire durer le plaisir avec l'OAV et le Film Éternité & la poupée de souvenir automatiques (surtout la première partie). Violet et son histoire ont toujours été traités avec une tendresse et une délicatesse rare et manifeste (je ne me remet toujours pas du soin de l'animation de ses mains et de ses bras). On a pu ressentir toutes ses difficultés à comprendre, apprendre et transmettre les émotions, toute son envie de savoir nommer ce qu'elle ressent, mais aussi sa solitude, sa détresse. Et c'est là qu'on se rend compte qu'on n'a pas eu affaire à des patates lors de la création de ce chef d’œuvre, mais bien à de sacrés artistes de l'animation.
!!!! Il y a des spoils de tout (série et films), partout dans ce qui va suivre !!!!
Pour petit rappel, la série se concluait en plusieurs moments, chacun étant une étape dans l'évolution et l'épanouissement de Violet (savoir transmettre les sentiments, faire le deuil de Gilbert, accepter son passé violent, et enfin, vivre pour elle même). La série nous offrait déjà une belle fin (ouverte) dans laquelle Violet avait réussi à grandir et changer pour le mieux, au prix, bien évidemment, de nombreux chagrins et souffrances (et c'est pour ça qu'on l'aime). Alors, qu'y avait-il d'autre à raconter ? Le film Éternité
(surtout la première partie) nous montrait la naissance d'une amitié, entre Violet et Mlle York, ce que Violet avait déjà dans la série, d'une certaine manière, mais sans jamais s'en rendre compte. Là, pour la première fois, elle vivait et était actrice de son amitié.
. A ce titre, ce film est une suite intéressante (et toujours très bien maîtrisée).
Ceci dit, venons en maintenant à Violet Evergarden - Le film
Passons très rapidement sur la qualité de l'animation (toujours aussi belle) et sur la qualité de la bande originale (qui reprend globalement les mêmes musiques que la série, mais avec un je-ne-sais-quoi en moins, à mon avis), venons en au point qui fâche : Le scénario.
Pour faire simple : Violet obtient enfin ce qu'elle veut, ce qu'elle a toujours voulu, retrouver Gilbert et lui dire qu'elle l'aime & vice-versa.
Nous sommes donc face à une jolie histoire d'amour, bien mélo et sans surprise comme il le faut. Je ne critique pas, en temps normal j'aime ça, mais ici ça ne passe pas. La série ne laissait aucun doute sur l'amour réciproque entre Gil et Violet, cependant il gardait une certaine ambiguïté qui pouvait suggérer le meilleur comme le pire. Si la balance semblait d'avantage pencher pour "Le grand amour" dans les derniers mots de Gil et l'obsession de Violet, il était difficile de ne pas y voir une relation père/fille à chaque flashback : Gil recueille, adopte, éduque, nomme Violet, dont il est la seule famille. Il souhaite également la protéger et qu'elle ait un bel avenir, une vie plus douce et en même temps il est prisonnier d'une sorte de schéma reproductif (comme dans une famille) et il échoue tout du long à la protéger de la guerre. J'aurais personnellement préféré que le film tranche en faveur de la relation père/fille, que la série nous montrait (en même temps que les dialogues nous disaient un autre genre d'amour), qui aurait rendu Gilbert et son échec plus humain, car il faut bien dire que dans la série, le traitement de ce personnage est très moyen, on sait assez peu de lui, on le voit échouer constamment à protéger Violet (et encore ne l'a t-on jamais vu tenter quoi que ce soit pour l'éloigner réellement de la guerre) et, finalement, on ne peut s'attacher à lui qu'en accompagnant les sentiments de Violet. Ce qui aurait également dissipé ce gros malaise autour de leur différence d'âge. Parce que Gilbert, qui a manifestement entre 25 et 35 ans au fil de la saga avoue son amour à une enfant de 14 ans (10 ans quand il l'a recueillie) et qu'il a littéralement élevé comme un père. Alors certes, le film se passe 4 ans plus tard, Violet à 18 ans, mais ça n'enlève rien à la toxicité et au déséquilibre d'une telle relation. Voir Violet aimer Gilbert comme un père n'aurait rien enlevé à sa détresse ni à l'amour obsessif qu'elle lui portait (il reste sa seule famille, le premier à avoir vu en elle un être humain et à avoir essayé de l'aider).
Par ailleurs, faire revenir Gilbert du pays des morts revient à annuler une grande partie du développement de Violet (son deuil). Gilbert est vivant, elle n'a plus besoin d'avancer par elle même et pour elle même et c'est bien dommage quand toute la série s'évertue à nous montrer un personnage qui apprend et qui se reconstruit lentement afin, d'un jour, être pleinement heureuse. Mais non, ce film vient rabaisser le personnage de Violet en nous montrant qu'elle ne pourra jamais se passer de Gilbert et qu'elle est prête à l'attendre aussi longtemps qu'il le faut, à tout lui pardonner malgré les souffrances qu'il continue de lui infliger : il ne lui donne plus aucune nouvelle pendant 4 ans alors qu'il sait qu'elle est vivante, qu'il sait à quel point elle l'aime, qu'elle lui a sauvé la vie lors de la dernière bataille et il refuse même de la voir et de lui parler lorsqu'elle traverse le monde pour le retrouver (ce qui flaire quand même pas mal le bon gros égoïsme). Alors rassurez vous, Violet a ce qu'elle voulait à la fin, dans les dernières minutes du film le frère de Gilbert arrive juste à temps pour le convaincre d'écouter ce que Violet cherche à lui dire (alors que le simple fait d'avoir traversé le monde 4 ans après sa disparition, à sa recherche devrait être un peu plus efficace qu'un "hé, ouvre cette lettre"). Ils se retrouvent sur la plage et il lui dit qu'il l'aime (elle n'a même pas la possibilité de le dire la première, à quoi sert donc son évolution dans la série ?), alors qu'elle était initialement sur le départ et qu'elle lui avait fait ses adieux parce qu'il continuait de la repousser.
Je déteste ce film parce qu'il nous dit, finalement, que Violet n'a pas grandi, n'a pas évoluée. Elle est certes capable de mettre un mot sur ce qu'elle ressent, mais elle ne peut toujours pas vivre pour elle et elle est toujours autant dépendante de Gilbert, au point qu'elle abandonne tout pour s'enfermer (symboliquement, j'entends) sur une petite île perdue avec lui et retombe peu ou prou dans son ancienne relation, avec un "major" qui n'a manifestement pas beaucoup évolué, lui. Et ils continueront ainsi leur relation toxique, mi-amoureuse, mi-paternelle.
Violet a donc eu ce qu'elle voulait. As t-elle eu ce qu'elle méritait (et nous autres, spectateurs) ? Certainement pas.
Alors comment conclure l'histoire de Violet ? En lui permettant d'enfin passer à autre chose (ce qui ne veut pas dire oublier Gilbert, il reste son père) et d'être pleinement épanouie. Pour ça, il aurait fallu trancher autrement, par exemple en faisant comprendre à Violet la nature filiale de son amour/admiration envers Gilbert (pourquoi pas en lui faisant écrire une lettre pour un père ayant perdu son enfant à la guerre et en retrouvant une lettre écrite par Gilbert ?), puis en lui faisant éprouver de l'attirance (au sens magnétique) et enfin de l'amour, envers un autre (et nouveau ?) personnage. Romance dont-elle aurait été l'initiatrice et l'actrice principale, plutôt que de subir constamment les choix des autres. Et ainsi nous aurions pu la voir (s')avouer son amour à une personne beaucoup moins toxique pour elle et mettre les bons mots sur sa relation avec Gilbert (ce qui ne se serait pas fait sans difficultés et incompréhensions). Violet serait ainsi arrivée au bout de sa reconstruction et nous l'aurions quitté sereinement, la sachant enfin pleinement heureuse et capable de vivre sa nouvelle vie.
Plutôt que de me dire constamment "Non, arrête de te faire souffrir, laisse tomber ta béquille, sois libre et heureuse", j'aurais souhaité penser "vas-y, continue, tu y es presque, c'est ça le bonheur".
Bref, pour résumer, je ne conseille pas ce film à tout ceux qui, comme moi, ont aimé Violet parce qu'elle était une femme touchante dans sa détresse et sa douleur, mais forte et capable d'avancer par elle même à travers les épreuves de la vie, de grandir et d'apprendre.
Car ce film la ramène pratiquement à son point de départ.
Et c'est là que la bas blesse, car comme dit précédemment, ceux qui ont fait ce film n'étaient pas des patates.