Le père de Robin Campillo était sous-officier dans l’Armée de l'Air française. Ses parents, ses frères et lui sont tous nés au Maroc et ont vécu en Algérie par la suite. Leur dernière destination a été la base militaire 181 d'Ivato à Madagascar. "Mon enfance aura été en quelque sorte conditionnée par les considérations géo-stratégiques de la France. Une fois rentré en France, encore enfant, je gardais une véritable nostalgie de Madagascar. [...] Pourtant, sans que je sache trop pourquoi, je ne voulais pas retourner dans ce pays. Comme si en quittant Madagascar, quelque chose s’était brisé, et qu’il fallait se contenter de souvenirs", confie le réalisateur.
Bien que le film soit nourri de nombreux souvenirs de Robin Campillo ("le travail de mon père dans le Nord Atlas, les crocodiles qu’il nous a offerts, la bague dessinée pour ma mère, mes lectures de Fantômette...") et ait été tourné sur la base militaire où il a grandi, le réalisateur estime que L'Île rouge relève du pur imaginaire : "Je me suis projeté dans la fiction comme si tout cela n’avait jamais existé et que tout se jouait pour la première fois. Ce que j’ai essayé de faire, c’est de mettre mes souvenirs en perspective non pas pour trouver une vérité historique ou autobiographique, mais plutôt pour créer un monde sensoriel, celui de Thomas. Une conscience naissante qui découvre les choses sans toutefois les comprendre tout à fait."
Enfant, Robin Campillo n'avait pas conscience du colonialisme en grandissant au Maroc, en Algérie puis à Madagascar. Mais il ressentait toutefois la présence de sa famille et la sienne comme une anomalie, tout en ayant de la nostalgie pour Madagascar. Il n'y était jamais retourné avant de se lancer dans ce projet et faire ce film était pour lui un moyen de mettre à jour les coulisses de cette nostalgie : "Mettre à nue la violence silencieuse d’un quotidien apparemment paisible, pourtant chargé des échos de la répression de 1947. Car ce paradis perdu était surtout un paradis volé. Et je voulais faire sentir qu’on ne volait pas seulement des ressources, on volait aussi les nuages dans le ciel, les paysages... On volait le bonheur de vivre sur cette île."
Fantômette était l'une des lectures du réalisateur quand il était enfant. Dans le film, elle représente pour le personnage de Thomas une forme d’indépendance. Robin Campillo a utilisé des maquettes pour recréer l’univers de Georges Chaulet, ainsi que des masques pour les personnages comme on pouvait en voir dans les séries enfantines de l’ORTF. "À l’époque déjà je trouvais ces masques à la fois familiers et angoissants. Les épisodes de Fantômette font écho à d’autres éléments du film sans pour autant chercher à y répondre tout à fait. Ce sont des bribes de fiction qui viennent parasiter la narration principale, comme un livre qu’on est en train de lire colore le quotidien."
Le film débute sur un morceau d’Iron Butterfly, puis on entend Stranger in Paradise de Martin Denny, "pur exemple d’Exotica, courant musical des années 50 inspiré par une vision fantasmée des îles", précise le réalisateur. Pendant la fête chez les Lopez retentit la chanson Acercate Mas de Nat King Cole. Enfin, le long-métrage se termine par une chanson du groupe Mahaleo qui s’appelle Veloma, que Robin Campillo a découvert en travaillant sur le film : "C’est vraiment une chanson à la fois jubilatoire et mélancolique qui a accompagné la révolution malagasy. Elle a trouvé tout naturellement sa place à la fin du film car elle parle de la révolution comme un adieu à l’enfance. Comme un refus d’être considéré ou de se considérer soi-même comme un mineur."
Pour la musique originale, Arnaud Rebotini s’est inspiré de ces différentes influences. "J’avais l’envie de partir de sons de la fin des années 60, comme le mellotron qu’on pouvait entendre chez King Crimson par exemple, sans pour autant tomber dans des pastiches ou des imitations trop sages. Arnaud a su garder ses propres harmonies et sa modernité [...]", développe le cinéaste.
Pour trouver le jeune garçon qui allait jouer Thomas, un casting assez vaste a été organisé. Le réalisateur se souvient de sa rencontre avec Charlie Vauselle : "J’ai tout de suite vu que ce qu’il pouvait apporter au film mais il avait beaucoup d’appréhension à se projeter dans la fiction. Au bout de quelques rendez- vous, il a commencé à prendre du plaisir à jouer. Ce qui m’a plu chez lui tout au long du tournage c’est qu’il pouvait être très vivant à certains moments et plus absent à d’autres, comme s’il était envahi par le monde qui l’entoure."
Quant à Miangaly, c'est Amely Rakotoarimalala qui a été choisie. Elle n'avait jamais joué la comédie auparavant et a participé au casting à distance, en raison du Covid. "Mais comment juger du travail des comédiens sans les rencontrer en chair et en os ? Toujours à distance, elle s’est révélée surprenante, étonnamment forte, dans une improvisation qu’elle a faite par la suite face à un autre comédien non professionnel lui aussi", déclare Robin Campillo.