The Creator met en exergue les bénéfices aussi bien que les dangers de l'intelligence artificielle. Gareth Edwards explique : "L’actualité de ce film est surréaliste. Alors qu’on développe ce projet depuis des années, il sort à un moment où le monde affronte plusieurs problèmes qu’on souhaitait soulever dans ce film : qu’est-ce qui singularise l’être humain par rapport aux autres êtres vivants ? L’IA peut-elle avoir une conscience ? Sans compter d’autres questions éthiques concernant l’intelligence artificielle et l’humanité. Je crois vraiment que la science-fiction n’est jamais aussi puissante que lorsqu’elle explore ces questionnements". Il ajoute : "Ce film, par un extraordinaire coup de chance, aborde précisément ces enjeux. L’IA est-elle réelle ? Quelle est son importance ? Faut-il l’accepter ou au contraire faut-il la détruire ? Ces questionnements traversent le film et reflètent une actualité brûlante".
Gareth Edwards dit s’être inspiré d’Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad et d’Apocalypse Now de Francis Ford Coppola pour l’univers du film, mais aussi de Baraka, Blade Runner et Akira. La relation centrale entre Joshua et Alphie s’est encore nourrie de sources d’inspiration plus inattendues comme Rain Man, The Hit, E.T. l'extra-terrestre et La Barbe à papa.
Après Monsters, Godzilla et Rogue One: A Star Wars Story, Gareth Edwards signe un nouveau film de science-fiction avec The Creator. Une passion pour le genre qui le suit depuis l'enfance : "Quand j’étais petit, la plupart des films que j’allais voir au cinéma étaient des blockbusters originaux. Tous les mois, je découvrais un nouveau chef d’œuvre de science-fiction, comme s’il tombait du ciel grâce aux dieux du septième art ! Des films dont les images et les personnages continuent à me hanter même après plusieurs dizaines d’années et à nourrir mon imaginaire pour le restant de mes jours. Je ne me souviens plus de l’âge que j’avais quand j’ai vu Star Wars pour la première fois, mais c’est comme si ce film existait depuis toujours. Sa découverte était presque une expérience mystique."
Enfant, Gareth Edwards a passé des vacances avec sa famille en Asie. En vue de ce voyage, son père avait fait l'acquisition d'une caméra vidéo pour immortaliser leur séjour. "Dès l’instant où celle-ci a été achetée, je ne l’ai plus lâchée et j’ai filmé chaque moment de notre périple à travers les mégalopoles de Hong Kong et Bangkok sans oublier les plages tropicales et les jungles de Thaïlande. Ce voyage m’a considérablement marqué et était totalement nouveau pour moi. Je n’avais aucun point de repère dans ces civilisations, qu’il s’agisse de la signalétique ou des publicités. J’avais le sentiment d’être un parfait étranger – et cela m’a beaucoup plu", se souvient le réalisateur.
Une fois Rogue One: A Star Wars Story achevé, Gareth Edwards a eu besoin de faire une pause et a entrepris un périple en voiture avec sa petite amie pour aller voir ses parents dans l’Iowa. Alors qu’ils traversaient les champs du Middle-west, le réalisateur a été surpris de voir au milieu des fermes une étrange usine portant un logo japonais.
Il s'est demandé ce qu'on pouvait y fabriquer : "Etant fan de science-fiction, j’ai aussitôt pensé à des robots. Imaginez que vous soyez un androïde fabriqué dans cette usine, que vous n’ayez jamais connu que cet environnement, qu’un jour quelque chose dysfonctionne et que vous vous retrouviez pour la première fois à l’extérieur, contraint de partir à la découverte du monde et du ciel. Si cela arrivait, que se passerait-il ?" Il tenait là le début d'un scénario, dont il avait presque toute la trame une fois arrivé chez ses beaux-parents : "C’est très rare. Je l’ai interprété alors comme un signe positif, et je me suis dit que c’était peut-être mon prochain film."
Une fois la trame de The Creator en tête, le réalisateur s'est attelé à l'écriture du scénario. Une étape qu'il déteste et qu'il considère comme une vraie corvée. Pour y venir à bout, il s'est enfermé dans une chambre d'hôtel en Thaïlande. C'est là que son ami, Jordan Vogt-Roberts, qui était au Vietnam et qui a mis en scène Kong : Skull Island, lui a proposé de venir le voir. Ils ont passé une semaine à sillonner le pays.
Gareth Edwards se souvient : "Comme avec l’écriture du script j’étais dans un état d’esprit créatif, mon imagination était totalement débridée. Je me suis mis à visualiser de gigantesques structures futuristes qui surgissaient des rizières ou à envisager de fascinantes questions spirituelles que pourrait se poser un moine bouddhiste qui, en réalité, est une intelligence artificielle. Ça me fascinait. J’étais enthousiaste à l’idée d’un récit à la Blade Runner situé dans le Vietnam que je découvrais".
Gareth Edwards a commencé sa carrière avec Monsters, un film de SF à tout petit budget. Il s'est ensuite frotté aux grosses productions avec Godzilla et Rogue One : A Star Wars Story. Avec The Creator, il voulait créer une oeuvre de SF originale mais était conscient de la difficulté à financer un tel projet. Pour y parvenir, il a décidé de faire un long-métrage modeste mais au style visuel fort. Il a contacté le producteur de Monsters et a essayé de lui expliquer qu’"on ne tournait pas un blockbuster à petit budget, mais le film indépendant le plus ambitieux jamais produit !"
The Creator a été produit "à l'envers", comme l'explique le réalisateur : "En général, avec un blockbuster, on commence par se réunir avec les artistes et à imaginer tout l’univers. On se rend compte ensuite qu’on ne peut pas trouver les lieux de tournage nécessaires et qu’on doit construire de gigantesques décors en studio et tourner entièrement sur fonds verts. Comme je ne voulais pas d’un tournage pareil, on a tout fait dans l’autre sens et posé nos caméras dans de véritables pays, en décors réels, avec de vrais acteurs. C’est une fois le film monté que je comptais me réunir avec les chefs de poste et peindre sur les plans pour créer l’univers de science-fiction. Les studios étaient sceptiques et le pari avait l’air un peu délirant." Ainsi, le film a été tourné dans le dénuement le plus complet, permettant au département artistique d’imaginer les décors en phase de postproduction.
Pour convaincre les dirigeants de New Regency de sa démarche — à savoir tourner un film à petit budget au style visuel ambitieux —, Gareth Edwards est parti avec son producteur Jim Spencer et des caméras en Asie du Sud-est fin 2019 pour tourner un court-métrage. "On s’est rendu sur les meilleurs lieux de tournage au monde pour chaque scène. James Clyne, l’un de nos chefs-décorateurs, a peint sur les images et, par bonheur, Industrial Light & Magic a accepté d’ajouter tous les effets pour que cela ait une valeur de test. On a fait tout cela extrêmement rapidement et pour beaucoup moins d’argent que le résultat à l’image ne le laisse présumer. Le studio a été époustouflé : on a obtenu son accord et on est parti en tournage...", révèle le réalisateur.
Pour concrétiser la vision de Gareth Edwards, la production a parcouru plus de 16 000 km et sillonné 80 lieux différents dans huit pays : Thaïlande, Vietnam, Cambodge, Népal, Japon, Indonésie, Royaume-Uni (aux studios de Pinewood, dans les environs de Londres) et États-Unis (à Los Angeles).
Le directeur de la photographie Greig Fraser a mis au point un système de prises de vue révolutionnaire et ultraléger pouvant adopter plusieurs configurations, pour permettre à Gareth Edwards de tourner avec efficacité et obtenir une image de très haute résolution. Ce dernier détaille : "On a utilisé une caméra de cinéma Sony ultralégère, extrêmement sensible à la lumière, qui permet de filmer de nuit avec la lune comme seul éclairage. Autrement dit, on pouvait se passer des gigantesques spots habituels qu’on voit souvent sur les plateaux de cinéma. Certaines lampes LED étaient si petites et ultralégères qu’on n’avait pas besoin de les accrocher sur un pied. L’éclairagiste pouvait les fixer par exemple à la perche du preneur de son. Du coup, l’éclairage s’adaptait instantanément aux déplacements des comédiens, sans avoir à perdre plusieurs heures par jour à transporter un matériel lourd et encombrant".
Il en a été de même pour les effets visuels réalisés par ILM. Les acteurs ont pu tourner sans combinaison de motion-capture et sans avoir besoin de marqueurs disposés un peu partout dans le décor.
Pour la petite Alphie, âgée de 6 ans dans le film et générée par l’intelligence artificielle, la production a engagé la débutante Madeleine Yuna Voyles. "On a reçu des centaines et des centaines d’enregistrements d’enfants du monde entier. Maddie était la toute première qu’on ait auditionnée. Dès qu’on l’a rencontrée, elle a été extraordinaire. Elle m’a ému aux larmes. Quand elle est repartie, j’ai jeté un œil à mon assistant et on s’est tous les deux exclamé ‘c’est elle’", se souvient le réalisateur.
Drew, l’ancien frère d’armes de Joshua, est interprété par Sturgill Simpson, acteur et chanteur de country, lauréat du Grammy Award du meilleur album country en 2017. On a pu le voir dans The Hunt et The Dead Don't Die, dont il a écrit et interprété la chanson du même titre qui revient de façon récurrente dans le long-métrage de Jim Jarmusch.