Le Médecin imaginaire est le premier long métrage d'Ahmed Hamidi, connu en tant qu'auteur des Guignols pendant 10 ans, et coscénariste de films comme Le Grand Bain de Gilles Lellouche. A l'origine, il a écrit le scénario avec Fatsah Bouyahmed, sans penser le réaliser. C'est la présidente d'UGC, Brigitte Maccioni, qui lui a proposé d'endosser le poste de metteur en scène. Il se rappelle :
"La perspective de diriger deux acteurs que je connaissais bien, dans un décor qui mʼétait familier, me réjouissait et jʼai accepté de relever ce défi. Ce qui mʼamusait beaucoup, cʼétait dʼarriver à trouver lʼéquilibre de ce duo, entre le boulet que représente Alex et Abdel, qui papillonne autour de lui."
Ahmed Hamidi a écrit le film avec Fatsah Bouyahmed et ne voyait que lui pour jouer Abdel-Kader. Alban Ivanov est ensuite arrivé en cours dʼécriture, puis le reste du casting a été construit autour des deux acteurs principaux. Le cinéaste explique :
"Envisager Smaïn en blédard associé à Booder, qui appartient à une autre génération, me faisait rire. Clotilde Courau nʼa pas un rôle facile. Elle incarne la parisienne pressée, le monde occidental dans toute son aberration et il lui fallait jouer ça en quelques scènes seulement."
"Elle y est parvenue. Rawan El Kadiri, je lʼai rencontrée par le biais dʼun casting et je lʼai trouvée épatante. Tout comme Saâdia Ladib, qui joue la femme dʼAbdel. Cette actrice est lumineuse et dégage énormément dʼintensité, dʼamour et de sensualité, sans être séductrice."
Au début, Ahmed Hamidi et Fatsah Bouyahmed avaient en tête un DJ beau gosse pour le personnage d'Alex, mais ils ont finalement trouvé que cela sonnait faux : "Un beau jour, lors dʼun dîner, je me suis trouvé en présence dʼAlban. En le regardant, il mʼa paru évident que le DJ que nous avions imaginé manquait de tendresse. Jʼai envisagé Alban dans la peau dʼAlex, avec sa corpulence et sa bonhomie naturelle, face à Fatsah. Jʼai tout de suite su quʼil allait rendre le film tendre et crédible. Ensemble, ils ont un petit côté Laurel et Hardy, dʼautant quʼils se connaissent bien tous les deux", confie le premier.
Ahmed Hamidi a choisi le Maroc comme cadre spatial du film pour sa douceur. Il explique : "Cʼest lié aussi à la présence de Fatsah, qui dégage, lui aussi, beaucoup de tendresse. On a parfois peur de la douceur, de lʼoisiveté, de la contemplation. Pas moi, qui adore ne rien faire, mais ce nʼest pas monnaie courante. Il suffit dʼobserver les gens dans un aéroport : même quand ils partent en vacances, ils sont speed ! Mes parents venaient dʼun monde où tout était au ralenti. Ils sont nés au bled, dans un village sans eau ni électricité, donc pour avoir à boire, il fallait partir en mission et ils en avaient pour la journée. Cette lenteur est inconcevable dans notre monde occidental contemporain."
Alban Ivanov est très présent en 2022, avec quatre films supplémentaires en plus du Médecin imaginaire : Les Gagnants, Les SEGPA, Les Folies fermières et La Traversée.
Ahmed Hamidi a opté pour une mise en scène simple, qui fasse la part belle aux personnages et au décor du film : le village Mirleft qui se situe au bord de la mer : "Dans ce décor, on trouve lʼessentiel : des maisons à taille humaine et des espaces pour se mettre à lʼombre. Les couleurs y sont chaudes. Avec mon chef-opérateur, Yannick Ressigeac, nous voulions transposer les couleurs du désert californien au Maroc. Souvent, dans les films tournés au Maroc, les couleurs sont assez saturées. Au contraire, je souhaitais une image plus claire, sans contrastes exagérés. Je voulais plus de blanc et de vert que de rouge puissant."
Ahmed Hamidi voit son film comme une ode à lʼoisiveté : "Cʼest pour ça quʼon se promène sur les toits et que les personnages y sont beaucoup dehors. Jʼai lʼimpression que le monde actuel fait accélérer notre rythme cardiaque et nos pensées, or je pense quʼon pourrait aller mieux en étant moins speed. Je voulais réaliser une comédie qui soit tranquille et qui suggère de ralentir notre cadence. Je milite pour la vie en tongs, moi ! Avec mon monteur, Guerric Catala, nous avons cherché un tempo ni lent ni agité, pour faire écho à cette idée."
Le film a fait partie de la Sélection Officielle de l'Alpe d'Huez 2021.
Ahmed Hamidi a demandé au compositeur Sinclair de sʼapprocher dʼune musique de fanfare à mi-chemin entre Kusturica et la musique arabe. "Il fallait que ce soit vivant et joyeux, tout en gardant la grâce du Maroc à lʼesprit. Ce nʼétait pas simple, dʼautant que je ne voulais pas que la musique prenne le pas sur les personnages. Il fallait quʼelle les accompagne et se marie au décor. Sinclair a su trouver cet équilibre", précise-t-il.
Smaïn et Booder incarnent le duo de policiers à la compétence discutable et endossent la part cartoonesque du film. "Ce sont des personnages de BD, ces deux-là. Ils me font penser à un certain cinéma algérien où tout est caricaturé. Smaïn et Booder me font rire. Physiquement, ils ont quelque chose de semblable. Les flics quʼils incarnent appartiennent à la famille des Gendarmes à Saint-Tropez ou La Septième compagnie. Ces deux benêts sympathiques nʼinfluent pas sur lʼhistoire, mais ils apportent de la comédie. Je voulais que par leurs T-shirts, on comprenne que lʼun rêve de quitter le pays et lʼautre souhaite y rester", confie Ahmed Hamidi.