Rachel Lang (II) possède un rapport particulier avec le milieu militaire. A 19 ans, alors qu'elle voulait partir en voyage au Brésil et cherchait un petit boulot pour payer son billet d’avion, la future réalisatrice est tombée sur une annonce de recrutement qui proposait une formation pour devenir soldat de réserve. Elle se remémore :
"J’ai découvert pendant 2 semaines un monde très différent du mien. Quelque chose de fort, et je me suis donc retrouvée réserviste pendant deux ans. J’ai quitté l’armée le temps de ma formation à l’IAD en Belgique. À l’issue de mes études, j’ai décidé de me réengager et de me former pour être officier. Là, un autre monde s’est ouvert encore."
"Pour être concret, j’ai géré pendant plusieurs années au quotidien 40 soldats de réserve affectés à différentes missions. Lorsque l’on est soldat on a en quelque sorte un « corps docile » pour reprendre l’expression de Foucault. Être Officier c’est autre chose, il y a une lourde responsabilité dans le commandement."
Lorsqu'elle était en mission, Rachel Lang (II) s'est retrouvée dans des situations hors du commun dans un milieu où les mots engagement, fraternité et danger prennent un sens singulier. Elle s'est ainsi très vite posée des questions sur ce qui avait amené ces femmes et ces hommes à choisir le métier des armes. La cinéaste développe :
"Cela m’a aussi questionné plus intimement sur l’absence, le couple, l’amour. Dès ce premier stage, à l’âge de 19 ans, je me suis demandée : « Comment font les soldats de retour de mission pour retrouver l’intensité et la cohésion que l’on ressent là-bas?, Comment font-ils pour retrouver leurs compagnes ou compagnons après des mois d’absence ? ». Et puis, plus tard je me suis interrogée sur ceux et celles qui attendent le retour, comment supporter cette absence, la potentialité de la mort ou de la blessure ?"
Même si, à priori, le choix de Louis Garrel en Maxime n'était pas évident, Rachel Lang (II) a finalement octroyé ce rôle au comédien après l'avoir rencontré sur les conseils de la directrice de casting Kris Portier de Bellair. La réalisatrice précise : "Il avait l’âge et la carrure. Alors que rien ne le rattachait à cet univers, Louis a tout de suite brillé par son intelligence du texte, sa capacité à incarner les mots de Maxime, tout de suite, sans filtre."
Louis Garrel a subi un entraînement physique solide pour incarner Maxime, et ce pendant six mois en compagnie d'un coach sportif et un coach militaire : "Je l’ai fait travailler dur (rire) pour le sortir de l’image très germano-pratine qui lui colle à la peau. Il fallait tendre un peu son corps pour qu’il ne marche plus comme un Parisien amoureux avec un livre dans sa poche. Dans la légion, et particulièrement chez les parachutistes, les hommes sont capables de sauter avec deux fois leurs poids sur les épaules, et marcher 50 km avec armes, munitions, et paquetage. Pour le film, il a dû se transformer physiquement, se mettre à niveau", se souvient Rachel Lang (II).
Dans Mon légionnaire, Grégoire Colin joue le chef de corps. L'acteur a déjà goûté aux joies de la légion dans Beau travail (1999) de Claire Denis.
Pour Céline, Rachel Lang (II) voulait une femme forte et indépendante et c'est dans cette optique qu'elle a choisi Camille Cottin. Cette dernière connaît une année 2021 assez chargée puisqu'elle est aussi à l'affiche de Stillwater de Tom McCarthy et House of Gucci de Ridley Scott.
Pour l'autre couple, Rachel Lang (II) a choisi Aleksandr Kuznetsov (qu'elle a vu dans Leto à Cannes) et Ina Marija Bartaité : "C’est une figure montante du cinéma russe, et ses essais m’ont tout de suite laissé penser qu’il serait parfait pour incarner Vlad, entre force et fragilité. Pour Ina, c’est le fruit du hasard : c’est en cherchant un couple issu des pays de l’est (car la majorité des légionnaires viennent de ces régions) que mon producteur Jérémy Forni est tombé sur un film de Sharunas Bartas et y a découvert sa fille, Ina Marija (dont la mère, Katarina Golubeva, est l’une des héroïnes du cinéma indépendant des années 80). Dès notre première rencontre, j’ai eu un crush pour elle. C’est une comédienne qui est dans le tout petit, dans le contenu, dans le geste minuscule, dans le détail."
Ina Marija Bartaité est morte en avril 2021 dans un accident de la circulation, à 25 ans.
Rachel Lang (II) voulait faire éprouver au spectateur ce qui se passe sur le terrain. Lorsque Maxime est confronté à l’explosion d’un IED (engin explosif improvisé), il doit ainsi respecter les procédures, hiérarchiser ses actions et prendre un certain nombre de décisions en fonction des renseignements dont il dispose. Elle développe :
"Ce n’est peut- être pas spectaculaire dis comme ça mais en définitive cela laisse beaucoup de place à la mise en scène et au travail du hors champs, au cinéma, et c’est exactement ce qui m’intéressait dans ces scènes « d’action ». Nous restons avec Maxime et prenons connaissance de l’évolution de la situation au fur et à mesure, pas avant lui, pas après lui, en même temps."
"Le rendu de ces scènes passe par le cadre et par le langage. J’ai l’impression que c’est aussi ce langage technique qui plonge le spectateur dans l’action. Et c’est là où j’ai eu beaucoup de chance de travailler avec Louis Garrel, car j’ai le sentiment que les émotions qui le traversent passent par tout son corps."
Claire Denis avait réalisé, en 1999, Beau travail, qui suit, dans le golfe de Djibouti et à Marseille, un peloton de la Légion étrangère et un ex-adjudant. Rachel Lang (II) explique toutefois que son film est bien différent :
"Je ne me suis jamais positionnée, j’ai tenté de ne jamais me comparer à cette figure tutélaire en écrivant le scénario car cela pouvait être vertigineux. Vous me posiez juste avant la question du titre, en en parlant avec vous, je prends conscience que le titre Mon Légionnaire renvoie étrangement au fantasme alors que mon film s’intéressait concrètement au métier de légionnaire. Le titre du film de Claire Denis Beau Travail renvoie à quelque chose de très concret alors que justement le film traite beaucoup du fantasme sur la Légion comme si les deux films étaient construits en symétrie... Cela laisse songeur sur les processus inconscients mis en œuvre lorsque l’on crée, lorsque l’on écrit."