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    Une histoire à soi
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Une histoire à soi" et de son tournage !

    Les archives

    Une histoire à soi exploite les archives des personnes adoptées qui témoignent dans le film. Amandine Gay revient sur ce choix formel : « Le film d’archives comme genre est très codifié, on imagine que de manière classique ça commencerait avec une voix off disant “l’adoption internationale se développe à partir de la Deuxième Guerre mondiale…”, avec des images en noir et blanc d’enfants qui descendent de l’avion et puis on passerait sur un face caméra de quelqu’un qui raconterait son adoption. Moi j’ai voulu redonner un côté cinéma à ce genre-là. Les archives c’est de la matière. » Elle a par ailleurs fait le choix de ne pas montrer le visage de ses "personnages" car elle ne le jugeait pas nécessaire.

    Reprendre possession de son histoire

    Amandine Gay est née sous X en 1984 en France. Elle s’est sentie dépossédée de son histoire, alors que les adultes qui l’entouraient et l’État (le Conseil national d’accès aux origines ou CNAOP) détenaient des informations sur ses origines. Elle explique : « Il y a tellement de médiation, on se demande quel degré d’information se perd. Tu n’as pas d’agentivité. J’ai très mal vécu la découverte de mon dossier à mes 18 ans que j’avais idéalisée comme un moment justement de reprise d’agentivité sur mon histoire. » Elle s’est retrouvée à la DASS sans accompagnement psy et face à des informations fragmentaires. Elle n’a pas pu récupéré son dossier mais seulement en avoir une copie : « Il y 5 feuilles de mon début de vie et je ne peux pas avoir l’original. Avoir une copie, c’est encore une médiation. Tu es dans une dépossession constante de ton histoire. »

    Virginia Woolf

    Le titre du documentaire est une référence à Une chambre à soi de Virginia Woolf. « Dans son essai, la question est : “quelles sont les conditions pour qu’une femme puisse devenir une artiste ?”. Ces conditions tu peux les transposer pour les minoritaires. […] Il y a un parallèle intéressant : les conditions matérielles, avoir un espace à soi et un peu d’argent, sont les mêmes pour devenir écrivaine ou pour te réapproprier ton histoire en tant qu’adoptée » affirme Amandine Gay.

    Une genèse tragique

    C’est le suicide d’un de ses amis qui a poussé Amandine Gay à réaliser Une histoire à soi : « Il était adopté d’origine colombienne dans une famille où le discours c’était justement que ses parents l’avaient sauvé. C’était d’une violence inouïe. L’adoption n’a pas sauvé mon ami, elle l’a tué. S’il s’agissait du bien-être des enfants, il y aurait des études de long terme sur le bien-être des personnes adoptées. Aux États-Unis, les études montrent que les adoptés ont plus de chance de se suicider, que les taux d’addiction sont élevés, qu’ils ont plus de problèmes de santé mentale. On n’a pas ces statistiques en France. Donc tout le débat sur “c’est un geste humanitaire”, commençons par aller voir dans quel état sont les adoptés. »

    Refus de la voix-off

    La réalisatrice a fait le choix de ne pas utiliser de voix-off car elle ne voulait pas surligner son propos : « Je suis plutôt opposée à la voix-off si ça n’est pas une voix off créative comme dans les films de Chris Marker où il y a une volonté de créer un texte poétique […]. »

    La musique

    À l’instar de la voix-off, Amandine Gay ne voulait pas d’une musique illustrative qui surligne l’émotion. Elle a fait appel au batteur et compositeur guadeloupéen Arnaud Dolmen et au projet futuriste de musique électronique ÌFÉ, fondé par Otura Mun, producteur et percussionniste afro-américain basé à Porto Rico, qui mélange des éléments du folklore afro-cubain et de la musique religieuse yorubane avec les sons de basse du Dancehall jamaïcain moderne, Trap et Afro-Beat. « Ce sont des artistes dont l’identité musicale est très marquée, aucune possibilité d’utiliser leur musique en “fond sonore”. Je voulais des musiciens de la Caraïbe ou liés aux diasporas noires car une des choses centrales dans le parcours des adoptés comme dans le parcours des personnes liées à la traite transatlantique c’est le déracinement et la nécessité de recréer une culture à partir du trauma et du vide. Avoir des musiciens qui venaient de ces espaces et ces histoires-là permet de faire écho à l’expérience des adoptées. »

    Les intervenants

    Amandine Gay a rencontré 93 personnes pour les besoins d’Une histoire à soi et a mené, accompagnée d’Enrico Bartolucci (son partenaire créatif ainsi que monteur et preneur de son) des pré-entretiens afin d’expliquer sa démarche politique. « Je cherchais un casting mixte, avec des personnes qui aient accès à beaucoup d’archives, qui ne soient pas en rupture familiale, qui soient solides mentalement pour se replonger dans leur histoire et qui ne soient pas en pleine quête. » Si plus de femmes ont répondu à son appel à témoignage que d’hommes (« peut-être parce que la plupart des hommes n’apprennent pas à parler de leurs émotions et évitent l’introspection »), elle a enregistré 42 personnes avant de ne garder que 19 personnes pour les transcriptions. Elle a encore limité le nombre à 11, en ne conservant que les personnes qui disposaient de suffisamment d’archives puis a choisi ses 5 "personnages" pour le film « en trouvant un équilibre au niveau des âges et des parcours de vie et du message qu’ils voulaient transmettre. Mon public cible est les personnes adoptées, surtout les plus jeunes, donc je veux qu’elles sortent de la salle de cinéma, inspirées. C’est important que le film leur fassent comprendre que peu importe où elles en sont, elles peuvent s’en sortir. »

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