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Olivier Barlet
299 abonnés
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4,0
Publiée le 24 juin 2021
(..) De fait, dans Les Indes galantes, des mondes se rencontrent, ce qui en fait leur actualité. C'est ainsi que le documentaire que Philippe Béziat a consacré aux répétitions commence : chacun décline son origine. Ces danseurs vont avoir à s'approprier un lieu inattendu sur une musique qui leur est tout aussi étrangère. Ils vont devoir en côtoyer les choristes et solistes lyriques tandis que ceux-ci vont eux aussi entrer dans l'apprentissage de l'Autre. Leur regard réciproque fait le tissu du film. Le miracle est que la rencontre a lieu et qu'elle fonctionne, dans la reconnaissance du talent et le plaisir de faire œuvre commune. Même les échanges avec les musiciens font tomber les stéréotypes. La transgression est ainsi permanente par rapport aux codes des uns et des autres, le détournement est partout, ce qui se retrouva dans les critiques mitigées que reçu le spectacle de l'Opéra Bastille. Il ne s'agit pas pour autant de s'extasier : chacun retournera chez soi. Mais il en reste quelque chose. C'est ce que ce film modestement fait sentir, déclenchant une certaine euphorie. Il le réussit en adoptant le rythme non seulement des danseurs mais aussi de Rameau lui-même, dont la musique est très fragmentée. C'est une pulsation qui s'installe, très physique, que Béziat cerne pour structurer son film comme Cogitore l'a utilisée pour oser percusionner davantage la musique et penser une flamboyante mise en scène entre moments de performances hip hop, magie de la machinerie (le bateau, le volcan, les costumes et les mouvements de foule) et chants baroques. Leur volonté est de faire tomber les barrières, alors même que le livret des Indes galantes joue les interactions entre les peuples. Cela aurait pu bien se passer si l'homme occidental n'avait pas tant cru à sa supériorité civilisationnelle et n'avait pas développé tant de cruauté dans les rapports. L'époque de Rameau est celle du grand malentendu qui ne fera que s'aggraver, un clash qui perdure aujourd'hui au sein de sociétés qui continuent de renier leur diversité, alors que la rencontre et la réunion des talents est d'une incroyable créativité. C'est en cela que, comme le spectacle de Bintou Dembélé et Clément Cogitore, ce film est profondément politique. (lire l'intégralité de la critique sur Africultures)
On dit souvent que Jean-Sébastien Bach fut le premier musicien de jazz dans l'histoire de la musique. Pas si faux que cela, la musique baroque étant ce qui se fait de plus pulsé, de plus rythmé au sein de ce qu'on appelle (à tort !) la musique classique. Jean-Philippe Rameau était un contemporain de Bach, il a composé plusieurs opéras, dont "Les Indes Galantes", dont la création eut lieu le 23 août 1735. Dans le but de dépoussiérer cet opéra tout en restant dans l'esprit d'une œuvre qui entraine les spectateurs autour du monde, la direction de l'Opéra Bastille, partant du principe qu'une grande ville est un résumé de la planète, a pris le risque d'utiliser tous les types de danse urbaine pour accompagner la musique baroque et le chant de Rameau. Le film nous montre le choix des danseurs de hip-hop, de krump, de break dance, de flexing et de voguing, les répétitions menées par le metteur en scène Clément Cogitore, la chorégraphe spécialiste de hip-hop Bintou Dembélé et le chef d'orchestre Leonardo García Alarcón à la tête de l'ensemble baroque Cappella Mediterranea ainsi que quelques extraits de la première. Le film donne une bonne idée de l'ambiance extraordinaire qui a régné entre tous les participants, entre les danseurs urbains et le chef d'orchestre, les danseurs urbains et les chanteurs, les danseurs urbains et les choristes. On entend l'extraordinaire ovation donnée à la fin de la représentation par le public de l'Opéra Bastille applaudissant à tout rompre des jeunes fiers de lever le poing. Et on ne s'étonne pas trop, malheureusement, qu'un critique ait osé écrire : "pourquoi donner 200 Euros pour aller voir des danseurs à qui on ne donnerait pas un centime si on les voyait dans la rue".
j'ai pris autant de plaisir à regarder le documentaire que j'en ai eu à l'opéra. Merci de nous avoir donné l'occasion de rentrer dans cette troupe hétérogène et qui trouve par l'écoute, le travail, la curiosité de l'autre le moyen d'atteindre une harmonie palpable.
Ce documentaire est l'histoire d'une rencontre improbable entre la musique baroque de Jean-Philippe Rameau et un large éventail de la danse urbaine sous les auspices de l'Opera Bastille. Une bataille où tout le monde sort gagnant, où le danseur de krump admire le geste du chef d'orchestre, où le chœur classique chaloupe sur du voguing, où la danseuse de Hip-hop est émue aux larmes (et nous aussi) par le chant des artistes lyriques. Vraiment un bel échange, une rencontre éclatante et au final un public d'habitués de l'Opera conquis et content que la vénérable institution transgresse les codes et bouscule les lignes. Une belle réussite et un seul regret celui de ne pas avoir assisté au spectacle.
En 2017, sur la foi d’une courte vidéo de six minutes interprétée par des danseurs de Krump, le jeune plasticien Clément Cogitore fut choisi par l’Opéra de Paris pour monter les Indes galantes. Il fit un pari audacieux : mêler le hip-hop au baroque. De l’opéra de Rameau, datant de 1735, hymne au « Bon Sauvage », il opta pour une interprétation radicale : mettre en scène une jeunesse cosmopolite, dansant sur un cratère en ébullition, partant à l’assaut de la Bastille. Le spectacle fut ovationné ; l’accueil critique fut plus tiède. Le "making of" de Philippe Béziat raconte son montage, du "casting" des danseurs jusqu’au triomphe de la première.
Les critiques de la pièce avaient, non sans raison, pointé ses défauts : sa longueur (trois heures), la présence souvent embarrassée et immobile des danseurs sur la scène, la surenchère parfois gratuite des décors et des costumes.
Tous ces défauts sont gommés dans ce documentaire qui ne retient que la formidable créativité de ces jeunes artistes et l’énergie débordante qui les anime. On partage l’enthousiasme de ces danseurs qui, souvent pour la première fois de leur vie, pénètrent dans un lieu qu’ils croyaient leur être interdit, domaine hors de prix de l’entre-soi et de la reproduction sociale. On partage leur éblouissement devant l’immensité de la scène, l’énormité du plateau technique, le luxe des costumes dans lesquels ils ont le privilège de se glisser. On s’attache aux différents personnages qui composent cette troupe hétéroclite : le metteur en scène Clément Cogitore, la chorégraphe Bintou Dembélé, le chef d’orchestre Leonardo Garcia Alarcon et son ensemble "Cappella Mediterranea".
Le documentaire, comme l’opéra lui même, se termine en apothéose avec la fameuse « Danse du Grand Calumet de la Paix exécutée par les Sauvages ». Cette chaconne nous accompagne longtemps hors de la salle, son rythme saccadé et le talent de sa mise en scène.
Un documentaire pour lequel je suis resté sur ma faim, seul la dernière demi-heure a répondu à mes attentes, dommage car le potentiel était bien présent et la réalisation de ce film aurait pu être aussi extraordinaire et innovante que la représentation en elle-même. A voir tout de même, mais me semble pas totalement essentiel .
Au-delà de la danse et de l'opéra, l'intérêt du film repose sur Le "dialogue" entre danse urbaine et chant lyrique, mais aussi entre artistes appartenant à des mondes géographiquement voisins mais socialement si éloignés. Le film tourné en 2019 n'a pas complètement intégré les logiques de décolonialisme (les modes idéolo-politiques évoluent vite!) et, s'il interroge la légitimité des danseurs urbains de se produire dans un temple de la culture de classe, il n'exploite qu'à peine le symbole de faire s'exprimer des danseurs issus de l'immigration sur un livret exprimant la curiosité européocentrée du 18ème vis-à-vis, successivement, des turcs, des incas, des perses et ... des sauvages. Pour apprécier pleinement ce film, mieux vaut bien sûr aimer l'opéra et/ou la danse urbaine... Loches (CinéClub) 22/11/21
Le film retrace les répétitions et la préparation de cet opéra baroque du 18ème siècle de RAMEAU prèsenté à la programmation de l'opéra Bastille de Paris sous une forme très modernisée cassant un peu les codes habituels de l'opéra classique. Ce film intéressera sûrement les amateurs du genre. Le réalisateur s'est attaché à bien montrer la modernisation de cette œuvre avec l'intervention du hip hop mais l'ensemble manque toutefois un peu d'originalité et ne s'attache pas assez aux personnages.
Ai vu le documentaire "Indes galantes" de Philippe Béziat qui relate la réalisation de la nouvelle production des "Indes Galantes" de Jean-Philippe Rameau à l'Opéra de Paris en 2019. C'est étonnant comme ce documentaire a à peu près les mêmes défauts que le spectacle, où les scènes collectives sont mises en valeur par rapport aux moments intimistes, où la danse est uniquement une illustration des intentions du metteur en scène mais jamais en rapport direct avec le livret.... et pourtant il y a des moments d'une intensité, d'une énergie, d'une vitalité folle et explosive. Jean-Philippe Rameau a peint et coloré avec sa musique la langue française avec génie et mieux que tout autre avant lui et bien souvent après lui. Le compositeur a aussi inventé le "Rock and roll" tant sa musique swing, fait planer, euphorise, parle au corps et c'est une évidence de nos jours que l'alchimie de sa musique avec les danses urbaines est absolument détonnante. Le documentaire permet de mieux aborder les intentions du metteur en scène qui étaient restées absconses pour moi quand j'avais vu le spectacle et où j'avais eu l'impression que les 3h30 de cette production laissaient de côté les solos, duos vocaux pour uniquement trouver du sens dans les scènes de choeurs et de danse et tout particulièrement le célèbre final. Dans le documentaire il en est un peu de même : on nous présente un masse mais assez peu d'individualité, les chanteurs ne sont jamais interviewés, et puis de grands moments de vide pas désagréables mais pas très intéressants. Les 1h48 du film paraissent parfois longuettes. Mais je dois avouer que les quelques moments magiques où l'on voit les danseurs exulter dans leur art sont époustouflants de véracité, d'émotion, ainsi que leur découverte du chant lyrique avec admiration et larmes dans les yeux (le plus beau moment étant le quatuor vocal de solistes où les danseurs sont imbriqués aux corps des chanteurs et où l'on sent et l'on voit les frissons, les vibrations, les ames palpiter et les coeurs chavirer d'émotion. Dommage qu'il n'y ai pas de rencontre réelle avec les instrumentistes et les chanteurs. Les jeunes du XXI ème siècle ont pris la Bastille sur scène, et les Turcs, Sauvages et Indiens de Rameau sont interprétés par des jeunes issus d'un melting pot africain, maghrébin, sud américain, asiatique au talent époustouflant et c'est exactement ça la démocratisation de l'Opéra, car pour ce qui est de celle du public : il est incroyable de constater lors de ce documentaire (et en live dans la salle) qu'il reste bien occidental à la tempe bien blanche et que les cocktails d'après spectacle sont réservés aux "happy few" Claire Chazal et Jacques Lang en tête...
J’avais vu et apprécié le court métrage du même nom, réalisé en 2017 par le metteur en scène du spectacle monté à l opéra de Paris, Clément Cogitore. Cette fois c est le cinéaste Philippe Beziat qui nous fait partager, depuis l’audition des danseurs jusqu’à la première à l’opéra Bastille, le processus de création de cet opéra baroque de Rameau, revisité grâce à l’apport du hip hop. C est magnifique, bouleversant, plein d énergie. Et au dela de la perfection du spectacle, au delà de la touchante alchimie entre choristes, solistes, musiciens et collectif de danseurs de hip hop totalement étranger au monde de l’Opéra, au dela de tout cela, l’œuvre de Rameau et le film résonnent de manière bouleversante avec l’actualité : migrants, diversité, amour sans consentement, violence urbaine. On sort de ce spectacle emporté par la grâce, les larmes aux yeux, le cœur troublé par cette belle alliance qui fait exploser tous les stéréotypes culturels et sociaux de notre époque en proie au conservatisme.
La prise de la Bastille par la danse urbaine, la rencontre des arts entre le chant lyrique, la musique de Rameau et les danseurs. Un documentaire qui retranscrit avec brio la préparation du spectacle, les enjeux, et qui ne laisse qu'un regret: ne pas avoir vu la mise en scène vibrante de Clément Cogitore en vrai.