Le projet ressemble a une mauvaise recette de cuisine ou l’accumulation d’ingrédients éparses est indigeste. Fasciné par le KRUMP de L.A, le footwork de Chicago, le jookin de Memphis, je fus très déçu par la portée conceptuelle du film. On y suit une bizaroide association d’idées d’un occidental ethnocentré qui marie l’exotisme et le classicisme. Visionner des vidéos youtube de danseurs talentueux exprimant un art brut (je pense a turf feinz dont C.Cogitore s’inspire) , et copier coller leur mouvement, les transposer sur scène, y mettre un opéra classique, mélanger toutes les danses contemporaines récentes, amène à un voyeurisme exotique dérangeant. Comment a t-il pu passer à côté de l’essence de ces danses nés dans le ghetto qui sont de véritable exutoire, des danses de la survie. Innover à tous prix, pour la gloire intellectuelle. Mais la danse n’est pas réfléchie, elle n’est pas écrite, elle n’est pas apprises, elle s’enfante elle même. Et ce n’est pas pour rien qu’elle vient du ghetto, environnement apocalyptique et mortifère, où ses acteurs défient les lois du corps, le réinvente, car c’est tout ce qu’il leur reste, justement, le corps. Le corps est énergie, énergie du désespoir, la gesticulation malade du krump en témoigne.
Par qui et pour qui ce spectacle existe ? Quand on voit le public bourgeois soixantenaire, ravi de voir venir (pour quelques 400 euros) des danseurs de rues dans leur belle cage dorée qu’est l’opéra, les images de l’exposition coloniale se superpose. Je me rappel alors la réaction d’un spectateur : « payer 400 euros pour voir des danseurs de rue, j’aurais tout aussi bien pu les voir gratuitement ». Oui, tout à fait d’accord, mais il faut y aller, dans la rue. Je suis sorti en colère du film, devant le contentement parfaitement hypocrite d’une classe sociale bourgeoise qui s’enorgueillit de son ouverture d’esprit alors qu’elle se révèle plutôt comme déconnectée d’enjeux sociaux bien réels.