‘Crimes en eaux profondes’ vaut moins pour son sujet que pour le contexte dans lequel il a été créé. En 2016 et 2017, la documentariste Emma Sullivan filmait au kilomètre des bandes pour raconter Peter Madsen, cet ingénieur-entrepreneur danois qui avait construit son propre sous-marin de poche et envisageait alors de construire sa propre fusée pour s’élever dans l’espace. Charismatique, blagueur, bénéficiant du capital-sympathie propre aux rêveurs et aux savants fous, entouré d’une petite cour de collaborateurs qui l’adulaient, l’homme était clairement un bon client. En août 2017, Madsen est arrêté et accusé d’avoir violé, torturé et assassiné la journaliste Kim Wall, avec qui il était parti faire une sortie en sous-marin. Il sera reconnu coupable et condamné à la perpétuité l’année suivante. Pour la documentariste se pose alors la question d’abandonner son projet ou de changer son point de vue, puisqu’elle avait continué à filmer juste avant et juste après le meurtre, alors que Madsen n’avait pas encore été inculpé et clamait son innocence. Outre le fait d’avoir pu saisir en direct l’incompréhension des proches et de l’équipe de Madsen, le documentaire ainsi monté recèle quelque images authentiquement glaçantes, comme lorsqu’on voit Madsen agir et parler tranquillement comme il l’a toujours fait, alors qu’il vient de découper en morceaux une jeune femme et d’en balancer les morceaux à la mer la veille, ou certaines séquences antérieures où il explique en rigolant à son interlocutrice qu’il est impossible de répérer intuitivement un tueur en série parce qu’ils souvent ont l’air de gens tout à fait ordinaires et sympathiques.