L’idée de ce film est née en 2018 alors que Maksym Nakonechnyi montait un documentaire sur les femmes ukrainiennes engagées dans la guerre. La réalisatrice explique : "L’une d’entre elles racontait qu’elle avait passé un marché avec ses camarades combattants : ils devaient la tuer plutôt que de la laisser être faite prisonnière par l’ennemi."
"Cela m’a fait réfléchir à ce qui attend une femme soldat lorsqu’elle est capturée par l’ennemi, et en quoi cela pouvait être pire que la mort. En construisant l’intrigue, j’ai compris que je voulais raconter une histoire sur l’espoir et l’humanité en dépit de circonstances totalement désespérées."
Depuis 2014, des milliers de soldats sont rentrés de la guerre, et ils ne reçoivent pas toujours un accueil chaleureux comme on pourrait s’y attendre. Certains finissent par se sentir humiliés ou deviennent agressifs, envers eux-mêmes ou les autres. Maksym Nakonechnyi :
"Pour tenter d’explorer cette situation d’un point de vue éthique, j’ai tenté de filmer de la manière la plus neutre possible, sans essayer de cataloguer ou de pointer quoi que ce soit comme étant bien ou mal. Face aux traumatismes, tout le monde est égal. Dans le montage, l’utilisation des jump cuts et les défauts d’images témoignent des liens profonds entre le présent et le passé de Lilia."
Maksym Nakonechnyi a choisi de contrebalancer la dureté de l’histoire de Butterfly Vision avec des éléments surréalistes. La représentation réaliste de la vie des personnages vient ainsi se heurter aux scènes de rêves surréalistes, intercalés tout au long du film. Maksym Nakonechnyi ajoute :
"Les rêves de Lilia révèlent son traumatisme profondément enfoui mais aussi sa force. Ressentir profondément son expérience, ses décisions et ses émotions lui donne une vision plus claire d’elle-même et de la réalité, et lui permet de comprendre qu’une guerre à plus grande échelle est inévitable."
Butterfly est le nom de code de Lilia. Le titre reflète le grand degré de conscience du personnage vis-à-vis de sa situation, sa responsabilité envers ses actes et sa propre existence. "Il exprime sa capacité à comprendre sa véritable nature et la réalité qui l’entoure. Ayant observé la guerre principalement du ciel, Lilia parvient à voir le rôle qu’elle y a joué avec une certaine distance", précise Maksym Nakonechnyi.
Jusqu’au dernier moment, Maksym Nakonechnyi ne savait pas qui choisir pour jouer Lilia. Elle a finalement fait appel à Rita Burkovska pour son jeu à la fois non-conventionnel et tout en retenue, ainsi que ses prises de position fortes. La cinéaste précise :
"Tout cela m’a convaincu que Rita pouvait créer sa propre Lilia, différente de ma propre vision. Pendant la pré-production, nous avons mené ensemble des recherches approfondies, principalement en parlant à des gens – des femmes soldats et des vétérans, d’anciens prisonniers militaires et civils."
"Un élément fondamental dans notre recherche a été que toutes ces personnes n’ont pas été brisées par leur expérience traumatique ; cela les a plutôt amenées à développer des qualités uniques et même à devenir des meilleures versions d’elles-mêmes."
Le film a été présenté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2022.
La préparation physique de Rita Burkovska incluait un travail avec un diététicien et un entraîneur personnel pour l’aider à prendre ou perdre du poids pendant le tournage. Elle a également appris les bases de la médecine tactique et le maniement des drones (même si cela ne figure pas dans le film). Maksym Nakonechnyi se souvient :
"Cette préparation l’a aidée à comprendre le langage corporel et la manière de penser d’une personne comme Lilia. Pendant les répétitions, nous avons également fait très attention au travail physique, avec un entraînement régulier."
"Rita a également écrit le journal de captivité de Lilia en se basant sur les témoignages de vétérans et anciens prisonniers. Nous nous sommes beaucoup référés à ce texte pendant le tournage."