Expatrié à Londres depuis la guerre, André Ripoix y vit aisément après qu'il a épousé une riche anglaise. Ses années londonienne, avant son mariage, ont toutefois été des années de précarité, ainsi qu'il en fait le récit, au long d'un flashback qui constitue l'essentiel du film, à Patricia, une amie du couple à laquelle il fait la cour enflammée d'un séducteur invétéré et, par conséquent, suspect d'insincérité.
Gérard Philipe fait une composition remarquable et sensible de ce français exilé et esseulé, modeste employé de bureau dont la personnalité, au-delà de son parcours, est le coeur du sujet. Séducteur insatisfait et ambigü, entre cynisme et sincérité, Ripoix nous fait douter: on ne sait jamais vraiment s'il a besoin des femmes pour subvenir à sa solitude ou s'il s'en sert pour se tirer d'affaire(s). Ses voeux pieux de réussite font de lui un velléitaire ou un irrésolu, un jeune homme manquant de caractère, ainsi qu'on le voit dans l'étape cocasse où Ripoix
usurpe la qualité de professeur de littérature française.
Concernant la mise en scène, si on peut regretter que par facilité tout le monde parle français à Londres, avec accent certes mais de telle façon que le récit perd de son authenticité, René Clément surprend, avant l'arrivée de la Nouvelle vague, en filmant l'errance de Ripoix dans les rues de Londres, au coeur de la population (Eric Rohmer fera une expérience analogue avec Jess Hahn dans son premier film "Le signe du lion).
De ce film naviguant entre fantaisie et gravité, il ressort constamment un sentiment d'amertume, peut-être moins initié par les difficultés du héros que par son incapacité au bonheur.