Sans signe particulier est né d’une succession d’événements violents qui ont frappé le Mexique dans les années 2000. 17 migrants ont été retrouvés morts près de la frontière avec le Texas et un groupe de jeunes garçons avait été exécuté par des militaires à quelques kilomètres de Mexico. Plusieurs avocats et organisations des Droits de l’homme s’étaient alors mobilisés et il s’est avéré que ces garçons assassinés avaient tous été kidnappés dans leur propre village quand ils étaient très jeunes. Certains sont devenus des enfants soldats, d’autres des enfants des cartels. « Ces événements ont précipité les recherches que j’avais commencées à entreprendre pour mon long métrage. S’est alors posée la question du point de vue à adopter pour parler de la violence et de son caractère cyclique » raconte la réalisatrice. « C’est le caractère métaphorique de cette spirale infernale qui m’a interrogée. Je crois que cela révèle ce que nous sommes, nous, Mexicains, au milieu de ce chaos. Je me suis donc ancrée dans la fiction et ai choisi de raconter l’histoire à travers les yeux d’une mère dont le fils a disparu depuis des mois ».
Durant la préparation du film, la réalisatrice s’est nourrie de livres et de nombreuses recherches sur l’Holocauste : « C’est une page de l’histoire qui nous a tous marqués, et même si ce qui se passe au Mexique est différent, le motif récurrent de la violence imprime le même sentiment d’horreur ». Parmi les films qui l’ont marquée, elle cite La Randonnée de Nicolas Roeg « avec sa manière de prendre de la distance, de filmer les paysages, de prendre le temps. Je n’ai jamais essayé de recopier son style ». L’Ascension de Larisa Shepitko, qui se déroule durant la Seconde Guerre mondiale, a aussi été une référence.
Sans signe particulier est conçu comme un road movie, « plus lyrique que naturaliste » précise Fernanda Valadez, qui se dirige de plus en plus vers le thriller. « J’ai trouvé que la combinaison de ces éléments m’aiderait à exprimer ce phénomène de violence dans notre pays qui me laisse sans voix ». La réalisatrice voulait que le film soit un voyage aussi bien physiquement qu’émotionnellement. C’est cette émotion qui lui a permis d’introduire des éléments qui ne sont pas naturalistes : « Plus on s’approche de la fin du film, plus j’ai voulu lui donner la tension d’un thriller, le personnage principal se déplaçant vers un territoire inconnu, rongé par la douleur et la peur. Tout cela découle de mon intention de départ : filmer une femme qui affronte des événements extraordinaires tout en parvenant à rendre familier son récit, et rien n’est plus familier que le vécu d’une mère ».
Le film a été tourné aux alentours de la ville natale de Fernanda Valadez, Guanajuato. La réalisatrice a soigneusement choisi les différents décors de son film, aussi bien pour leur valeur esthétique que pour leur valeur symbolique. L’équipe était réduite et se déplaçait de façon discrète, en particulier quand il a fallu tourner derrière la frontière pour ne pas être repérée.
Les problématiques sociales et sociétales qu’aborde le film n’ont pas rendu son financement facile. Certaines des aides que la production avait obtenues en amont du tournage ont été réduites de moitié. Il a fallu repenser le scénario. Un mal pour un bien selon la réalisatrice : « Ces conditions financières limitées nous ont finalement permis, avec Astrid Rondero et Claudia Becerril, d’être plus libres et de laisser derrière nous les attentes dogmatiques du marché ».
Fernanda Valadez désirait dès le début faire d’une mère le personnage principal de son film. Au Mexique, beaucoup de familles de victimes se sont réunies et les mères, en particulier, ont porté ce combat et sont parties à la recherche des enfants disparus. « L’histoire de notre société est assez triste mais elle est aussi faite de résilience. L’implication sans faille de ces femmes et familles dans ces longs processus de recherche m’a toujours beaucoup émue ».
À l’exception de Mercedes Hernández et David Illescas, le reste du casting est composé d’acteurs amateurs ou non professionnels qui venaient tous de Guanajuato, le village natal de la réalisatrice.
Marquée par ses précédentes expériences filmiques avec des hommes, Fernanda Valadez a décidé de s’entourer d’une équipe composée à presque 100 % de femmes : « j’ai remarqué que quand des femmes sont à la tête de projets, tout est moins compliqué qu’avec des hommes, pour des raisons artistiques comme pour des raisons d’ego. Je ne voulais pas me compliquer la vie davantage pour ce long métrage […] ». Cependant, elle a rencontré autant d’hommes que de femmes pour composer son équipe technique mais confirme que les candidatures féminines lui ont paru plus convaincantes.