En 2002, la réalisatrice Perrine Michel perd son père, décédé des suites d’un cancer dans un service de cancérologie. Avant sa mort, une infirmière lui dit qu’il aurait été bien dans un service de soins palliatifs. « J’ai longtemps imaginé ce qu’était un tel service, un lieu énigmatique, où les malades de cancer ne sont pas guéris, mais où ils sont « biens » ». En 2007, elle imagine un film et fait des premiers repérages dans l’Unité de Soins Palliatifs de l’hôpital Paul Brousse, à Villejuif. Ce premier contact avec cet univers la nourrit beaucoup, elle y découvre le travail de l’équipe et se rend compte de la transformation terrible que subissent certains corps : « Pour ce film, que je commençais à entrevoir, j’ai alors décidé d’un parti pris : laisser les patients hors-champ et mettre l’imaginaire des spectateurs au travail. Cela impliquait de faire un film uniquement avec les soignants, sur leur relation quotidienne aux patients et sur la mémoire de leur accompagnement ».
Dix ans après les premiers repérages dans l’Unité de Soins Palliatifs de l’hôpital Paul Brousse, Perrine Michel tourne finalement dans l’Unité de Soins Palliatifs des Diaconesses, à Paris. Elle est recommandée par l’ancien chef de service de l’hôpital Paul Brousse, le docteur Sylvain Pourchet, auprès de Laure Copel, cheffe de service des Diaconesses : « Elle a tout de suite accepté que je vienne rencontrer l’équipe et présenter mon projet, qui devait convaincre tout le monde, des Agents de Service Hospitaliers (hommes et femmes de ménage), jusqu’aux cadres ; ainsi que l’équipe des bénévoles. J’ai passé cinq mois de repérages à expliquer le projet et à comprendre comment l’équipe travaillait ». Durant le tournage, qui a duré trois semaines, la réalisatrice a cherché non pas à se faire oublier mais au contraire à se faire accepter et à faire corps avec l’équipe médicale.
Le film comporte une troisième ligne narrative portée par des scènes dansées. Il s’agit, pour la réalisatrice, de créer un scène mentale, « un lieu symbolique et métaphysique où mon propre personnage va se trouver porteur d’une histoire, autant que portée par elle. Avec trois autres danseurs, mon personnage entre dans une danse ressentie, qui prend appui sur le récit de l’accompagnement de ma mère vers la fin de sa vie, puis évolue petit à petit vers son propre avenir ». Perrine Michel pratique la danse contemporaine depuis plusieurs années et sa rencontre avec la Compagnie du Théâtre du Mouvement, avec Claire Heggen en particulier, a été décisive dans ce projet.
Perrine Michel a trouvé le titre du film dès le début de l’écriture. Il ne l’a pas quittée pendant les cinq ans de la fabrication du film : « Quand on accompagne quelqu’un en fin de vie, que ce soit de manière personnelle ou professionnelle, on est en équilibre. Ce titre évoque les accompagnants, donc nous tous. Car si vous n’avez pas encore connu cette expérience, vous la vivrez certainement un jour… »