Le nouveau Pixar met en scène une ville cosmopolite où vivent, sans trop se mélanger, quatre communautés : L’Eau, l’Air, la Terre et le Feu. Si les 3 premiers éléments semblent cohabiter sereinement, le Feu est un peu ostracisé. Du coup, les habitants Feu vivent entre eux, dans le quartier le plus modeste de la Ville et ils se fréquentent surtout entre eux. Ils vivent dans la nostalgie de leur pays d’origine, et en gardent même quelques caractéristiques linguistiques. Voilà, le message du film est très facile à décrypter : l’accueil difficile des étrangers, les prétendues différences culturelles insurmontables, le communautarisme et ses limites, mais aussi la douleur de l’exil et le poids des aspirations parentales pour ces immigrés de la seconde génération. Rien de subversif, rien de trop compliqué à saisir pour les petits et les grands. Mais ce message tout simple, plein de bons sentiments, est habilement exploité par la mise en scène des éléments. Enfin, ici il est surtout question de l’Eau et du Feu car les deux autres éléments ne sont là que pour compléter le tableau, ils n’ont aucune place dans l’intrigue, ce qui est d’ailleurs dommage. En faisant du Feu l’élément objectivement le plus effrayant, et en lui collant l’étiquette de « L’immigré qui fait peur », les studios Pixar se lancent un défit de taille : bien rendre à l’écran le Feu et l’Eau, dont on sait depuis longtemps que c’est ce qu’il y a de plus délicat à mettre en image. C’est assez réussi visuellement, avec quelques scènes très belles, presque oniriques (la scène des fleurs) et heureusement assez courte pour ne pas casser le rythme d’un film qui dure 1h40, ce qui la durée maximum pour un long métrage destiné aux enfants et à leur seuil de patience. La musique est agréable, et pas trop envahissante (il n’y a pas de moment chanté, et ça me va très bien !) et le film est une véritable explosion de couleur. Le scénario brode un peu sur le thème des amours impossibles, comme « Roméo et Juliette » ou plutôt « West Side Story », les deux protagonistes sont soi-disant incompatibles.
C’est du côté de la famille de Flam, la plus pauvre, la plus refermée sur elle-même, que le couple est inenvisageable. Du côté de la famille Flack, plus riche, plus instruite aussi, on accueille ce couple en devenir avec plus de bienveillance, et une petite pointe de condescendance maladroite aussi. Cette différence de perception, basée sur l’instruction et la position sociale, donne l’impression que le communautarisme est surtout encouragé par les moins favorisés. Je pense qu’il y a là matière à réflexion non seulement aux Etats-Unis (la ville d’Element City étant une métaphore de New-York, avec ses bateaux d’immigrants et ses quartiers bien délimités) mais aussi en France. Vu d’ici, le communautarisme étant « le mal incarné », il est permis de regarder « Elémentaire » avec un œil critique : le communautarisme, on le crée et/ou on le subit ? Je ne m’attendais pas à ce que ce film d’animation m’emmène aussi loin dans l’analyse politique !
Quoi qu’il en soit, pour les petits le film est un enchantement visuel et un message de tolérance qui ne peut pas faire de mal. Pour les grands, c’est un film plutôt bien dosé en humour, bien rythmé et qui véhicule un message sans doute plus pointu qu’on ne l’imagine. Sans atteindre la délicatesse et la subtilité du petit bijou qu’était « Vice-versa », « Elémentaire » est un bon Pixar, ingénieux et visuellement très soigné. Je regrette juste d’avoir du le voir en VF. Non pas que je trouve quelque chose à redire au travail d’Adèle Exarchopoulos et Vincent Lacoste, mais je préfère toujours, quand c’est possible voir les films en VOST, même les films d’animation.