Sylvie Ohayon explique que Haute Couture est né de sa « rencontre entre mon rôle de mère d’une fille qui a vrillé, de belle-mère qui a bien fait son boulot et de mon amour pour mon pays. » Elle s’est en effet occupée de la fille de son conjoint, avec lequel elle est depuis quatorze ans, comme si c’était son propre enfant, au point que sa fille biologique est partie vivre chez son père. Le film se nourrit également de son grand patriotisme : « Cet amour de la France – que j’ai raconté dans mon premier film – puise dans mes racines et mon éducation. Je me souviens, par exemple, qu’il y avait la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen affichée chez mes grands-parents. »
C’est en aidant une amie enceinte qui recherchait une robe de mariée que la réalisatrice a eu l’idée de consacrer un film aux couturières : « j’ai été frappée par le contraste saisissant entre leurs doigts de fée et leur langage de charretier ! C’est là que je les ai entendues dire 'c’est le geste qui compte'. Ça m’est resté et je me suis dit qu’il fallait rendre hommage à ces femmes-là, à cet artisanat-là. » Il s’agissait ainsi de montrer comment la magie naît des petites mains, sans pour autant les opposer aux riches et grands patrons.
À l’instar de Papa Was Not a Rolling Stone, le précédent long-métrage de Sylvie Ohayon, Haute Couture met en scène une jeune femme qui veut s’émanciper de son milieu pour échapper à la reproduction sociale. Un parcours qui entre en résonance avec celui de la réalisatrice : « Pour moi, la France est foncièrement une terre de bienveillance où tout est possible, grâce à l’école de la République, et où on peut s’en sortir avec des diplômes. Il y a en France un goût du travail bien fait grâce auquel, même si on n’a pas fait d’études, on trouvera souvent quelqu’un pour vous tendre la main. »
La réalisatrice s’est appuyé sur des livres, des documentaires ainsi qu’une exposition au Musée des Arts Décoratifs pour son film. Un atelier à l’ancienne a été fabriqué dans un ministère désaffecté. « Les impératifs de visibilité dus au travail minutieux sur la couture dans les ateliers réels nécessitaient une lumière franche ainsi qu’une neutralité immaculée. Je souhaitais injecter plus de poésie au décor, je me suis donc tournée vers quelque chose de plus théâtral, à l’instar des premiers ateliers de Monsieur Dior rue François 1er. Je voulais de la dorure, des moulures, un côté «Versailles» dans mon atelier ! »
Haute Couture évoque la transmission d’un savoir-faire. Pour la réalisatrice, apprendre un métier, et non pas un « job », permet d'injecter du sens dans nos vies : « Il faut remettre le clocher au milieu du village et un métier, au sens le plus noble du terme, c’est une activité dont on est fier et qui sert la communauté. »
Désireuse de capter la solitude de ses personnages, la réalisatrice a puisé son inspiration dans les photographies de Philip-Lorca diCorcia ainsi que les peintures d’Edward Hopper, qu’elle a montrées à son chef-opérateur : « La solitude et les clairs-obscurs de Hopper m’émeuvent énormément car on a l’impression que les personnages qu’il représente ne sont pas seuls. » Quant aux cadres, elle admire les compositions « au cordeau » du cinéma japonais des années 60.
Costumière pour le cinéma, où elle fabrique principalement des costumes historiques, Justine Vivien travaille depuis douze ans pour Dior Héritage – les archives de la maison Dior – le service culturel et dans les ateliers de Haute Couture. Elle a été conseillère couture sur les deux semaines de tournage d’atelier du film, après avoir été mise en contact avec Sylvie Ohayon par la maison Dior. Justine Vivien avait travaillé en 2013 sur la robe « Francis Poulenc », un modèle qui sert de fil rouge de la narration.
Justine Vivien ne disposait que de très peu de temps pour préparer les actrices. En seulement 3 à 4 séances, elle a dû leur enseigner les rudiments du métier de couturière : « Au premier rendez-vous, j’ai essayé de faire rêver les comédiennes et de les amener à prendre conscience de ce qu’elles allaient avoir entre les mains : des matériaux précieux et des robes qui font rêver le monde entier. Je leur ai expliqué qu’on n’arrive pas en Haute Couture sans passion, sans travail et sans assiduité. » Durant les séances suivantes, elle a mis en place des travaux techniques différents selon le rôle de chacune des actrices. Ainsi, elle a par exemple accentué le travail de Pascale Arbillot sur des préparations de patronage.