En accordant un 8/10 j’ai peut être surestimé cette réalisation mais ce fut pour moi une belle surprise.
J’attendais le résultat avec une certaine impatience car je connaissais plutôt bien l’affaire qui fut un véritable séisme. Ce fut même l’une des plus grandes sagas judiciaires qui a passionné l’Italie et a fait la Une des journaux pendant non pas un an mais de nombreuses années.
Un traumatisme qui a fait couler aussi beaucoup d’encre entre Patrizia Reggiani (la ”veuve noire”) et les héritiers de l’empire Gucci qui n’ont pas brillé ni par le sens de l’harmonie ni encore moins par le sens de la solidarité familiale.
Il est vrai aussi que lorsqu’il y a une telle fortune familiale, les héritiers en général se disputent toujours beaucoup plus que lorsqu’il n’y a rien d’autre à récolter qu’une pelle à tarte en métal argenté.
J’appréhendais beaucoup de n’apprécier ce film que ”très” relativement car rien que la durée (pratiquement 2h40) ça m’effrayait un peu. Or, ma grande surprise fut que je n’ai pas trouvé le temps désespérément long. Il aurait pu être réduit, certes, en supprimant quelques scènes par-ci par-là mais je n’ai pas eu le sentiment qu’on pouvait supprimer la moitié de sa durée tout de même.
Les années 1970/80 sont bien rendues. Il n’y a pas de fausse note. C’était l’époque où les femmes s’habillaient en strass et les hommes en costume. L’époque où on dansait sur du Donna Summer (qu’on appelait ”Miss Orgasme” depuis ”Love to Love you, Baby”, qui représentait l'exploit de faire triompher ce morceau de 17 minutes contenant la simulation de 22 orgasmes, suivront ”I feel love” et ”Hot Stuff”) en fumant des clopes en boîte nuit. Eh oui, c’est du vécu...
Nous avons droit aussi à un mélange des genres musicaux qui ne m’a pas rebutée, à savoir entre autres David Bowie, Eurythmics, Annie Lennox & David Stewart, Blondie, etc. Les amateurs de musique classique et surtout d’opéras ne pourront qu’apprécier les airs de Verdi : La Traviata – Libiamo Ne’lieti calici (Luciano Pavarotti & Dame Joan Sutherland) ou aussi ”Baby Can I Hold You” (Tracy Chapman, Luciano Pavarotti), pour ne citer que ceux-là.
Quant aux acteurs, Lady Gaga, à mon goût, est ”suave” dans ce rôle. Plus vraie que nature si j’ose dire pour avoir suivi l’affaire et avoir regardé dernièrement encore de nouvelles images et interviews de Patrizia Reggiani. Elle est l’exubérance italienne et joue à la perfection sur plusieurs registres, sa physionomie exprimant tantôt la fausse naïve, l’ambitieuse, la pétulante, l’effondrée, l’amoureuse aussi. Bon, il ne faut pas oublier non plus que Lady Gaga n’est autre à la ville que Stefani Germanotta et que son ascendance italienne ne pouvait que l’aider pour un tel rôle.
J’ai trouvé l’interprétation de tous les acteurs convaincante. Sur le plan des ressemblances, c’est Lady Gaga qui se rapproche le plus de la véritable Patrizia Reggiani .
Al Pacino ne ressemble pas à Aldo Gucci mais ”ça passe” étant donné le jeu irréprochable de ce comédien de 81 ans. Il en est de même pour Jeremy Irons.
Adam Driver est un excellent comédien. Vu dernièrement dans ”Le dernier duel”, que j’ai adoré, et bien qu’il ait un visage tout de même bien plus ingrat que celui de Maurizio Gucci (à part sa dentition qui était horrible), il s’en sort bien, passant avec brio du fils Gucci plutôt benêt sans ambition à un Gucci devenu particulièrement perfide lui aussi.
Jared Leto offre un jeu bien sûr auquel on ne peut pas reprocher grand chose (à part peut être de surjouer le personnage, d’avoir exagéré son outrance et, de ce fait, d’avoir pris le risque de frôler la caricature, mais il est vrai que Paolo Gucci était particulièrement fantasque (donc le look et l’interprétation ne font que l’appuyer). Jared Leto lui-même a, d'ailleurs, précisé à propos de son rôle de Paolo Gucci : "c’est une peinture, pas une photographie, ni un documentaire».
Pour l'anecdote, que Ridley Scott ait choisi dans le rôle de la cartomancienne napolitaine Salma Hayek, qui n’est autre, à la ville, que l'épouse de François-Henri Pinault, actuel propriétaire de Gucci, peut apparaître comme un pied de nez plutôt drôle à l'histoire de la griffe.