A la folie est un projet aux résonances autobiographiques puisqu'il s’inspire de l'histoire familiale de Audrey Estrougo, même si c'est un petit frère malade (et non une soeur comme dans le film) qu'elle a. La réalisatrice explique : "J'ai essayé de prendre du recul en pensant que si je m’attachais à la trajectoire de deux sœurs, ce serait plus simple pour en parler – avec davantage de pudeur et de respect vis-à-vis de mon frère. Ensuite, je voulais garder l’idée de raconter une histoire et d’introduire une part de fiction : avec les artifices de la narration, je tenais à m’éloigner de la dimension autobiographique stricto sensu."
La maison familiale, qui cristallise l’enfermement, est un personnage à part entière que Audrey Estrougo a filmé dans des teintes automnales et douces. Par chance, elle a pu tourner dans une ancienne propriété familiale des Yvelines, reconvertie en maison de campagne. La réalisatrice se rappelle :
"Quand on est à l’intérieur, elle dégage un côté rustique : on sent qu’elle a été habitée, et il y règne une atmosphère extraordinaire. Le plus stupéfiant, c’est que je ressentais comme un malaise dans la pièce qui est devenue celle de Nath : j’ai appris qu’un enfant schizophrène, qui a fini par se suicider, l’avait habitée."
A la folie a été écrit et tourné en un mois. Audrey Estrougo précise : "Le plus compliqué, et notamment dans le système de production français, c’est qu’entre le moment où naît un désir de film et le moment où celui-ci se concrétise, il peut se passer quatre années. C’est antinomique avec la création artistique. Je reste convaincue que pour certaines histoires, quand on les porte, qu’elles nous brûlent et qu’on sent que c’est le moment de les raconter, il faut le faire à tout prix. Même si c’est ensuite compliqué de rejoindre le système de production français et de sortir le film en salles. C’est ce qui s’est passé avec A la folie : rien n’a été calculé et soupesé."
Avec A la folie, Audrey Estrougo avait envie de faire un film avec une équipe toute nouvelle, de se mettre en danger et de se renouveler. Ainsi, dans le rôle principal, elle a choisi Virginie Van Robby qui n'avait jamais joué de sa vie. La cinéaste se remémore :
"Elle s’était inscrite à une masterclass que j’ai donnée il y a deux ans : j’ai tout de suite été impressionnée par sa présence et par sa grande capacité d’écoute. De fait, elle est très juste car elle sait écouter son partenaire. C’est une fibre d’acteur qui me parle."
"J’ai été surprise de découvrir qu’elle travaillait en réalité dans la publicité et qu’elle s’autorisait une semaine de stage d’acting pour le plaisir : je lui ai dit que c’était dommage de s’arrêter là et je l’ai encouragée à participer à d’autres stages pour rencontrer des directeurs de casting."
"Et elle m’a écoutée. Trois mois plus tard, je lui ai proposé le film, elle m’a répondu oui, je lui ai dit en rigolant “ce sera ta bande démo”, et elle a halluciné ! Le fait qu’elle soit très insouciante par rapport à l’organisation habituelle d’un tournage lui a permis d’être dans l’essence même de ce que raconte l’histoire."
"Quant à Lucie, j’avais envie de travailler avec elle. Elle a une énergie et une personnalité formidables. Je trouvais qu’elle avait les épaules pour porter le rôle de Nathalie. Virginie et elle se complètent très bien, comme le Ying et le Yang. J’avais déjà travaillé avec Anne Coesens."
La cinéaste Audrey Estrougo avait pour référence principale le réalisateur suédois Ingmar Bergman, notamment ses films Sonate d'automne et Cris et chuchotements : "C’est un cinéaste que j’adore : c’est lui qui a le mieux sondé l’âme humaine, au point de vouloir mourir seul sur une île ! Il a beaucoup nourri mon regard, mais cela s’est fait de manière inconsciente. Je n’ai pas repensé à sa manière d’aborder la parentalité ou le huis clos familial, même si j’ai vu tous ses films, et si Persona est, à mes yeux, le chef d’œuvre absolu."
Audrey Estrougo avait déjà travaillé avec Benjamin Siksou, qui selon elle correspondait très bien au rôle de Baptiste. A noter aussi la présence de Théo Christine qui avait joué JoeyStarr dans le biopic Suprêmes. La cinéaste confie : "J’ai pu capter ce qui lui restait d’enfance et de grande pureté. Pour le père, j’ai demandé à un directeur de casting. François Creton est d’autant plus épatant qu’il est aux antipodes de son personnage : c’est fou comme il l’a abordé avec humanité et intelligence ! Du coup, c’est ce qui fait qu’il est difficile de le juger."