Dans l'angle du film d'épouvante, il y a d'abord l'inévitable introduction qui voit une famille citadine s'installer dans une maison à la campagne en vue d'un nouveau départ. En même temps que les cartons de déménagement du couple et de leur fille, cette adaptation du roman d'Elizabeth Brundage semble déballer les dispositifs les plus classiques du film de maison hantée : les premières manifestations surnaturelles nocturnes, l'opposition croyance/rationalité entre la femme au foyer isolée et le mari absent, l'enquête de celle qui est en première ligne sur l'origine des phénomènes... En bref, tout que l'on voit ou entend durant l'exposition de ce nouveau long-métrage de Shari Springer Berman & Robert Pulcini, ("American Splendor", "Imogene") n'a pas vraiment de quoi émerveiller nos yeux ou nos oreilles par son originalité.
Cependant, on le comprend assez vite, cet angle introductif par lequel "Things Heard and Seen" (en VO) nous présente son propos en camoufle évidemment un autre, voué à englober le fantastique dans une finalité plus importante. Plutôt que celle de la maison hantée sur ses occupants, la véritable emprise traitée ici sera en effet celle d'un mari sur une épouse qui a tout sacrifié pour lui.
Dès les premières minutes, Catherine, le personnage d'Amanda Seyfried, nous est déjà dépeint comme une femme psychologiquement fragile par un mal récurrent et le besoin d'évasion qu'elle ressent au sein d'une fête familiale. À un moment ou un autre de leur union, il devient clair que son mari George a pris un ascendant grandissant sur leur couple et ce déménagement à la campagne représente l'ultime barreau que ce dernier appose sur la cage d'épouse soumise de Catherine.
Après leur installation et la "joie" de découvrir un locataire invisible sous leur toit, le film va ainsi s'attacher à pointer du doigt ce rapport dominant/dominée en mettant sur leurs routes respectives de nouveaux intervenants chargés de les faire extérioriser ce qui a induit cette situation. Sans entrer dans les détails, les éléments perturbateurs (vivants ou non) autour du couple vont bien entendu précipiter sa chute où de terribles non-dits vont être amenés à éclater au grand jour pour libérer Catherine du joug de son mari.
Logiquement, le discours de "Things Heard and Seen" se pare d'un ton résolument féministe : quasiment tout ce que l'on peut imaginer comme conséquences d'une telle relation toxique y est passé en revue (directement ou par quelques détours plus ou moins faciles, le personnage de femme forte de Rhea Seehorn est bien pratique parfois) et, si le film préfère les pousser dans des extrémités qui tiennent en réalité plus du thriller vis-à-vis de son récit, il les enveloppe toujours de son voile surnaturel pour en accentuer la portée, aborder la condition d'une femme prise au piège dans une forme d'universalité afin d'en tirer une nouvelle force à travers les épreuves passées. Cette approche n'a rien de neuve mais son exécution pour la traduire est plutôt correcte, on pourra toutefois regretter que le leitmotiv du film sur les liaisons entre la réalité et le spiritualité soit si peu subtilement souligné avec l'évocation redondante des travaux d'Emanuel Swedenborg (mais le jeu en vaudra visuellement la chandelle dans la dimension donnée aux derniers instants du film cela dit).
Du bon côté de la balance, "Things Heard and Seen" peut également se prévaloir de belles qualités formelles, sa mise en scène réserve même de jolies idées au-delà d'une esthétique séduisante et au-dessus du tout-venant habituel (à la réserve près que la représentation du surnaturel sent un peu trop la naphtaline pour susciter le moindre effroi). Enfin, la distribution d'acteurs est très bien pensée pour incarner les figures incontournables d'une telle histoire (d'Amanda Seyfried à tous les seconds rôles, avec une mention spéciale à James Norton en mari bellâtre et égocentrique, un vrai plaisir de le haïr en permanence !).
Outre l'aspect très prévisible de son histoire qui transparaît sans doute dans les lignes précédentes de cet avis, venons-en au défaut majeur de "Things Heard and Seen" : faire de tous les points positifs cités une espèce de vernis luxueux pour dissimuler le contenu assez maigre d'un téléfilm juste bon à être diffusé un après-midi sur une chaîne hertzienne. Cest bien simple, ôtez les qualités formelles, les grands noms du casting, les velléités féministes prononcées, le fantastique ou encore les références artistiques; rabotez le tout d'une bonne demi-heure dans la première partie et vous obtenez une intrigue de petit thriller domestique somme toute très banale, s'enfonçant dans l'exagération la plus totale en bout de course pour offrir un moment de tension primaire à son public, et ce au mépris de la vraisemblance du comportement de certains personnages.
Alors, certes, le vernis posé par couches sur "Things Heard and Seen" le rend plaisant à découvrir sur le moment et lui donne une apparente opulence sur ce qu'il a à offrir mais il suffit qu'on en gratte un peu l'enrobage pour en découvrir une teneur plus convenue. Et on aura beau essayer de l'aborder par tous les angles possibles, il n'est pas sûr que l'on en garde un souvenir impérissable à l'avenir.