À la croisée des chemins... C'est sans doute où a pensé être le réalisateur irlandais Lee Cronin ("The Only Child") lorsqu'est venu le temps pour lui de décider de la direction que devait prendre un nouveau film "Evil Dead" en 2023. Fallait-il s'inscrire dans la mouvance du remake de 2013 en s'éloignant de l'esprit de la trilogie de Sam Raimi pour poursuivre cette relecture (réussie) privilégiant l'horreur frontale et bien crasse ? Ou bien fallait-il au contraire continuer de faire perdurer le second degré instauré par les films originels (surtout à partir du 2) comme a su le faire avec brio la série "Ash vs Evil Dead" durant trois saisons ?
À ce dilemme, "Evil Dead Rise" va répondre par la première hypothèse, du moins en cherchant à marcher dans les pas du ton instauré par le film de Fede Alvarez, sans toutefois renier le grandguignolesque gore qui est finalement resté la vraie seule constante de tous les films de la franchise au-delà de son démon venu du Livre des Morts et certains plans à jamais référentiels.
Après un prologue renouant avec le terrain le plus familier des "Evil Dead" (et une magnifique trouvaille pour mettre le nouveau titre en valeur !), le film de Lee Cronin bifurque vers un cadre citadin inédit, celui d'un ancien hôtel au bord de la démolition, où une jeune femme vient rendre visite à sa sœur résidente et mère célibataire de trois enfants. Un événement soudain va bien sûr mettre le fameux bouquin infernal entre les mains de tout ce petit monde pour les asperger de généreuses giclées de sang...
Côté intrigue, tout est quasiment dit, "Evil Dead Rise" ne brillera jamais par les archétypes rudimentaires du film de possession qu'il se contente de passer en revue dans sa montée en puissance ou même ses personnages dont les quelques troubles familiaux ou maternels serviront juste de réservoir à répliques perfides pour un démon bien plus désinhibé que la majorité de ses collègues de ce cinéma.
Insignifiant et laissé en surface, ce manque cruel de perspective va être le fondement d'un spectacle ne misant que sur la violence et ses scènes sanguinolentes, en écho à l'esprit outrancier d'un vrai "Evil Dead", qui va certes produire son petit effet éphémère -ce film est hors-norme à ce niveau comparé au tout-venant sur grand écran- comme s'il poussait les limites de tout ce que les autres se contentent de suggérer, mais sans grand appui pour le rendre impactant.
Car, ouais, dans ce "Evil Dead Rise", Lee Cronin délivre des séquences impressionnantes, y va gaiement dans le gore et reproduit une ambiance de huis-clos nihiliste folle avec son démon surpuissant et apparemment invincible. Cependant, tout cela se résume quand même à une vaine agitation, sympathique certes, mais jamais mémorable faute d'une réelle originalité capable de mettre en valeur ses excès... Les références, inattendues, à d'autres grands titres, tiennent même d'une obsolescence implicite à cause d'un levier immobilisé, incapable de surpasser les matières premières utilisées.
Le film en reste au stade d'un divertissement honorable, capable de pousser le curseur gore très loin... mais, fébrile à l'idée de consolider ses bases derrière, il est aussi extrêmement oubliable. Lee Cronin confirme qu'il a du talent à revendre, "Evil Dead Rise" en est une preuve. Il faudra juste un autre long-métrage moins facile pour le confirmer.