Laissons Lucie faire est le premier long métrage d’Emmanuel Mouret, où l’on retrouve tout son style singulier. Pas son meilleur film, mais une comédie douce et tendre, poétique et gentiment naïve qui fait passer un moment agréable et optimiste.
Comme toujours Mouret joue dans son film, et on peut le comprendre car il s’entoure toujours d’actrices magnifiques. A la fois sur le seul plan physique, Marie Gillain et Dolores Chaplin tout spécialement crevant l’écran, mais aussi sur le plan du jeu. Il sait filmer ses personnages féminins, auxquels il donne d’ailleurs beaucoup de consistance, ou, tout du moins, une belle originalité. Jusque dans les seconds rôles, attrayants, campés par Natalia Romanenko et surtout le très solide Georges Neri. Mouret pour sa part compose un personnage un peu trop attendu. Il sait jouer les naïfs un peu perché, mais là il faudrait qu’il essaye de varier un peu, car il y a une certaine redondance, même si à l’époque ce film était son premier.
Le scénario reste le point faible du film. Poétique, parfois très amusant, en tous les cas pas ennuyeux, reste que Laissons Lucie faire n’a pas un propos très notable, et parait assez vide. Sûrement car les histoires secondaires paraissent un peu trop tiré par les cheveux (celle avec Dolores Chaplin), et parce que l’histoire d’espionnage ne sert finalement que de petite toile de fond. On se retrouve avec des personnages qui évoluent au gré de séquences sympathiques et parfois touchantes, la finesse de Mouret faisant l’affaire, mais il aurait fallu plus de consistance à ce film pour transporter vraiment.
Formellement Mouret nous propose un film sobre, aux couleurs naturelles, à l’ambiance agréable et douce comme généralement dans son cinéma. C’est frais, c’est doux, c’est mis en scène poliment mais sans loupé. La musique assez neutre aurait mérité d’être plus travaillée. Dans l’ensemble la forme reste assez classique, mais on se sent en vacance, et ce n’est pas déplaisant.
Mouret signe donc un premier film qui impose un style, et ça c’est appréciable. On sent des maladresses, notamment dans l’histoire, sans grand relief, mais Laissons Lucie faire est un joli film, qui saura plaire aux amateurs du réalisateur, et qui saura plaire plus largement aux doux rêveurs ! 3