143 rue du désert, c'est d'abord un voyage. Ce qu'on aime dans un voyage : trouver l'endroit pas vraiment touristique, mais authentique, qui nous fait, à travers lui et une ou deux personnes, découvrir la réalité d'un pays. Là, c'est ce café minimaliste et cette personne ordinaire dont on découvre la personnalité extraordinaire, Malika, qui nous rappelle ce que j'ai souvent découvert, à savoir qu'il ne faut pas croire ce qu'on raconte d'un pays, ce qui me rappelle mon court séjour en Libye. Dans un voyage, il y a ce qu'on voit, et ce qu'on ne voit pas. Pour transférer celà, il y a l'utilisation maline d'un mélange : le plan fixe, toujours intéressant dans l'horizontalité du désert, et le micro multidirectionnel rarement utilisé au cinéma, qui nous fait entendre ce qu'on ne voit pas. Grande réussite. Il y a ces personnages (de documentaire, car c'est bien un documentaire la plupart du temps, hormis l'apparition d'un acteur – Chawki Amari - qui se met à jouer un rôle de fils prisonnier derrière une petite fenêtre grillagée devant Malika, la faisant bien rire – elle se prête bien volontier au jeu, donnant la réplique -), qui construisent le film au fur et à mesure qu'ils apparaîssent, comme ils construisent une vie que notre héroïne ne veut pas quitter. Elle leur sert un café, une omelette, voire plus. Une bouteille d'eau, un thé, ou rien, quand c'est l'heure de dormir. Ils viennent pour se poser, mais aussi pour la voir, lui reprochant parfois, eux dont les salaires sont souvent dérisoires, de pratiquer des prix trop bas. Et puis il y a les commentaires à caméra ou hors champ de Malika, commentaire jugeant les clients avant ou après leurs passages. "Indiens", "voulant trop en savoir sur elle", "menteur". Tiens, il nous fait bien rire celui-là, dont elle estime que son récit n'est que mensonge et qui lui sert à son tour, les pires mensonges qu'on puisse trouver. Il y a, en approche de fin, cet abandon du plan fixe pour un plan tournant autour de cette buvette, comme celui du radeau de Aguirre, Hassen Ferhani montrant comme Herzog que la cause est entendue. Et puis, tout comme je le suis souvent dans les voyage, il y a la surprise créée par les voyageurs, les touristes, qui en dit plus long sur le pays et nos visions déformées par la faute de nos gouvernants français (ou autres) qui veulent nous faire croire en des choses qui n'existent pas. J'ai été frappé, dans la Libye de Kadhafi, de rencontrer beaucoup de touristes italiens voire allemands (ces derniers particulièrement sympathiques) dans un pays soi-disant terroriste où un fou sanguinaire faisait tuer tout le monde, surtout les occidentaux (c'était la version officielle). De même, une jeune touriste occidentale apparaît, et va mettre par terre tout ce qu'on nous fait croire sur le Sahara : On ne peut pas y aller. Elle, elle y va, dans son tour de médittérannée, seule, sur sa moto, et tout se passe bien. Très bien. Alors, on nous raconte quoi ? De même, dans ce pays où on ne peut critiquer le pouvoir, Malika balance. Et elle balance pas mal, sur la bande de voleurs qui sont au pouvoir. Et puis, autre intérêt du film, on ne cesse d'avoir des indications géographiques qui nous donnent envie de savoir où l'on est, sur cette route N°1, entre ces villes aux noms mythiques. Allez voir 143 rue du désert. Pour voyager. Comme on s'arrête on ne sait pourquoi, dans un voyage, dans un lieu où l'on sent qu'on va en apprendre beaucoup, sans qu'il n'y ait grand chose. Un coin de désert, un point où l'on peut avoir une collation, buvette où s'arrêtent routiers et capitaines, migrants, imams, musiciens... et discuter avec une vieille dame. Et puis, il y a l'autre personnage : le chat. Alors, si en plus, vous aimez les chats...