Keith Thomas a toujours voulu faire un film d’horreur, son genre de prédilection. Mais il souhaitait trouver un angle inédit. Le réalisateur s'est alors aperçu qu'il n'avait jamais vu de long métrage horrifique au concept basé sur la religion juive. Il se rappelle : "Il y a quelques films avec des éléments bibliques ou un personnage de rabbin, mais rien qui ne soit dans ce monde-là ou qui ne vienne de ce monde-là. J’ai écrit le scénario et j’étais prêt à le tourner moi-même. Mais mon manager m’a mis en contact avec les producteurs Raphael Margules et JD Lifschitz chez Boulderlight Pictures. Il m’a dit que si une boîte allait produire le film, ce serait eux. Il avait raison."
Quand Keith Thomas cherchait quel élément de la culture juive pourrait être adapté en film d’horreur, il a réalisé que personne n’avait encore fait de film sur un "shomer". Il s'agit d'une personne qui veille et surveille les morts la nuit d’avant les funérailles permettant l’élévation et la protection de l’âme du défunt grâce à ses prières. Il confie : "Ça m’apparaissait fou que personne n’ait fait un film avec un tel concept. Je savais donc que je devais avoir un Shomer seul avec un cadavre toute une nuit. Je savais que ça devait avoir une unité de lieu, que ça devait se dérouler en temps réel. Je savais que ça allait créer de la tension."
Keith Thomas voulait que le démon soit lui aussi issu de la culture juive. C'est ainsi qu'au terme de nombreuses recherches sur les textes rabbiniques et les études talmudiques, il a trouvé le Mazik : "C’est un démon censé habiter les endroits abandonnés. Il est plutôt obscur. En fait, dans la communauté hassidique, le terme « mazik » est utilisé pour définir les enfants turbulents, genre : « C’est un mazik, ce gamin ». Je suis revenu à la définition d’origine, ce démon destructeur que l’on trouve dans certains textes."
Comme il n’y a pas, dans la religion juive, cette écurie de créatures diaboliques que l’on trouve dans la religion chrétienne, Keith Thomas a eu du mal à créer de la "judé-horreur". Le cinéaste a concentré ses recherches sur une période très lointaine, il y a des centaines d’années, quand la frontière entre religion et superstition était ténue. Il explique :
"J’ai parlé avec un rabbin spécialiste de démonologie juive, surtout dans la tradition d’Europe de l’Est avant la 2nde Guerre Mondiale. Il avait toute une liste de démons. Mais ce n’était pas des démons bien dangereux. Des petits démons si vous voulez, du genre à mettre la pagaille dans votre maison, à vous causer des petits tracas… Mais ils n’étaient pas vraiment maléfiques. Ils étaient plus des nuisances qu’autre chose. C’était intéressant."
Au début, Keith Thomas a hésité à ajouter le thème de la Shoah dans The Vigil. Il se rappelle : "Une fois que j’ai compris que je pouvais garder les références à l’Holocauste en les inscrivant dans l’histoire du défunt, Mr. Litvak, en restant sur une seule atrocité, ça me semblait une évidence. Ça devait faire partie de l’histoire. Mais je ne voulais pas installer de comparaison entre les tragédies de Yakov et de Mr. Litvak. Mais je veux montrer que n’importe quel traumatisme, quel que soit son échelle, peut nous handicaper à vie. Il faut avant tout essayer de le surmonter pour avancer."
Lorsque Keith Thomas a vu, enfant, L’Exorciste, toutes les références religieuses lui échappaient, mais il comprenait tout. C'est exactement ce qu'il voulait pour The Vigil : "Je voulais que toutes les prières, tous les textes en hébreu, toutes les références religieuses soient juste. Mais, comme ce fut mon cas quand j’ai vu L’Exorciste gamin, vous n’avez pas besoin de savoir exactement de quoi il s’agit pour comprendre ce qu’il se passe, pour suivre le film. L’Exorciste est donc une grosse influence, mais il y a aussi L’Échelle de Jacob d’Adrian Lyne ou le Possession de Zulawski aussi. Et bien entendu tous les films d’horreur qui ont influencé ma cinéphilie. Ils sont tous là, d’une façon ou d’une autre."
Keith Thomas souhaitait une caméra qui rôde dans la maison, bougeant comme un chat. "Elle est la plupart du temps sur un traveling. Il fallait créer une sorte de chorégraphie pour que notre acteur Dave se faufile entre les rails du traveling disposés dans la maison. On a aussi essayé de tourner le plus possible en plan sequence, histoire de laisser le temps à Dave de construire sa performance et de laisser l’angoisse monter. On a donc beaucoup travaillé à l’avance pour préparer tout ça. J’ai tout storyboardé, puis tout "photoboardé" une semaine avant le tournage. Ainsi nous avions une sorte de flip-book qui nous servait de guide sur le tournage. Tout était prêt avant même le premier « Action ! »", précise le metteur en scène.