Les temps sont durs pour ce petit prodige de la narration, qui nous a maintes fois récompensés de sa sensibilité, lorsque que le fantastique se brouillait à la réalité. Après avoir conclu sa trilogie, loin d’être aussi « Incassable » qu’à ses débuts, M. Night Shyamalan s’est embourbé dans une réflexion inerte du vieillissement dans « Old ». Il troque ainsi son île désenchantée avec une petite clairière, toute aussi hostile pour ses visiteurs. Appuyé par le scénario adapté de Paul G. Tremblay, ses deux scénaristes, Steve Desmond et Michael Sherman, ont longtemps été les gardiens d’un secret qui n’en est pas un. Toujours entre cette réflexion spirituelle, entre la foi et un fort sentiment de déni, le maître pensant est bien de retour à ses premiers amours, usant alors de tous les « Signes » qui ont nourri toutes ses obsessions.
La petite Wen (Kristen Cui) rencontre Leonard (Dave Bautista) sans détours. Des champ-contrechamps interpellent et échouent à créer un sentiment d’insécurité et de tension à la force de ses gros plans. Cela n’est pourtant pas si contraignant dans ce cas, précis, où le spectateur semble attendre avec impatience chaque nouvelle proposition de l’auteur, qui a su se montrer incisif et viscéral plus d’une fois. Cette réussite, il le doit à l’écriture de ses personnages, en proie aux doutes qui remettent en cause leur existence ou bien plus encore. Il déjoue ainsi nos attentes pour éviter que tout se finisse en « Funny Games ». Il valorise la démonstration, multipliant ainsi les indices, disséqués avec attention par les spectateurs et les héros enchaînés à leur fatalité. Pourtant, il nous fait rapidement comprendre que son terrain de jeu n'est pas dans le twist, mais bien dans « Le Magnifique ». C'est au cœur du récit lui-même que la machination prend place. On s'écoute, mais on ne parvient pas à capter nos pensées, à convoquer notre instinct. Le cinéaste balaie ainsi nos craintes afin de mettre le doigt sur la complexité de la condition humaine.
Le home invasion n’est qu’un catalyseur parmi d’autres, dont les astuces ne seront pas revisitées, mais simplement exposées là, sous nos yeux incrédules, à l’écran. Il questionne ainsi notre rapport au récit et à l’image. Léonard et ses trois compagnons sont venus imposer une vision brutale et apocalyptique, qui n’est aucunement le miroir de cette famille miraculée et en vacances, loin des carcans de la société. En opposition, les flashbacks du couple de papas répondent à cette intervention, présupposée divine. On y rejoue alors « Le choix de Sophie », afin de tester la réaction de l’humanité. Le public est alors invité à cette prise d’otage, où les miroirs sont dirigés vers cette famille heureuse. Eric (Jonathan Groff) et Andrew (Ben Aldridge) doivent ainsi arracher le verdict qui sauverait le monde, de déluges et fléaux bibliques. Le cinéaste ne tombe cependant pas dans le piège outrageux de la vertu religieuse, ce que l’on pourrait craindre.
Il tient son récit avec un goût prononcé pour le minimalisme, ce qui est d’ailleurs ironique quand on devine les analogies entre les catastrophes d’actualité et les souvenirs douloureux des amoureux maudits. Tout passe dans le même entonnoir et s’avance vers un dénouement un brin prévisible et donc avec moins d’impact, un peu trop explicatif, mais qui illustre ô combien le réalisateur semble avoir retrouvé sa zone de confort, loin du bulldozer hollywoodien. Avec « Knock at the Cabin », M. Night Shyamalan s’engage dans la guérison de son cinéma, qui avait simplement besoin d’un coup de fouet pour renaître. De même, il donne l’occasion à ses personnages d’élucider le mystère de toute cette mise en scène christique, où l’enjeu consiste à renoncer au bonheur pour survivre. Pas forcément pertinent à la longue, mais la sincérité qu’il dégage est à la hauteur de la charge émotionnelle.