Film largement loué mais aussi très critiqué, notamment pour sa violence, "Titane" de Julia Ducournau est loin d’avoir fait l’unanimité au sein du public. Le long-métrage narre l’histoire d’Alexia (Agathe Rousselle), danseuse dans un salon automobile et serial-killeuse ayant survécu, enfant, à un accident de voiture grâce à une plaque de titane implantée après coup. Pour échapper à la police après ses assassinats, celle-ci se fait passer pour Adrien, le fils jusque-là disparu de Vincent (Vincent Lindon).
Julia Ducournau tente de traiter plusieurs thèmes dans son long-métrage comme celui de la famille, de l’identité ou du genre. La famille est alors soit héritée, voire supportée, ou bien choisie. Le spectateur ressent la violence d’Alexia pour son père à travers ses coups de pieds et sa désobéissance puis, plus tard, par le meurtre. Un problème sous-jacent est délicatement suggéré par la réalisatrice à travers cette violence ainsi que par les relations quasi-incestueuses que l’héroïne souhaite entretenir avec Vincent. Quant à ce dernier, il fait partie de la famille choisie par la protagoniste. Alexia comme Vincent acceptent le rôle d’enfant et de parent. On sent l’amour entre les deux personnages : le fils qui ne semble aimer personne et qui sauve finalement son père et l’autre, affirmant tout au long du film (sans réellement le dire) « je t’aime comme tu es, qui que tu sois ». L’amour de l’héroïne semble, lui, plus difficile à cerner. Difficile à exprimer envers les hommes, elle l’exprime à travers son désir charnel pour les voitures, métaphore de la masculinité. L’identité est également au centre du long-métrage, toujours double, parfois hybride : Alexia devient Adrien, la fille devient fils, l’enfant est mi-homme mi-titane… Cette « mutation » permanente, comme la nomme Julia Ducournau, se fait également remarquer à travers les différentes parties du film commençant par un accident automobile, continuant avec de nombreux assassinats et finissant par se concentrer sur les relations père-fils.
Cependant, les thèmes abordés sont trop nombreux. La réalisation, très énigmatique et symbolique, vient perdre le spectateur et est difficilement interprétable. Les différents sujets ne sont donc malheureusement pas traités de manière claire et sont simplement survolés. Nous avons alors la désagréable impression que Julia Ducournau n’utilise pas la violence pour pousser ses réflexions mais simplement pour choquer délibérément, ce qui n’aboutit pas à quelque chose de très intéressant… Bien souvent, la réalisatrice préfère suggérer quand il faudrait montrer et montrer quand il faudrait suggérer. Quant à la « mutation » permanente du film, celle-ci le fait partir dans des directions très différentes, ce qui donne un tout diffus, mal organisé et difficile à suivre.
La performance des acteurs est toutefois irréprochable. Vincent Lindon nous livre dans "Titane" un jeu inédit, transpirant d’authenticité. Agathe Rousselle se montre, elle aussi, sous son plus beau visage au sein de son tout premier rôle dans un long-métrage. Notons enfin les qualités de réalisation de Julia Ducournau qui réussit à nous offrir des plans magnifiques (comme le plan-séquence du début) et adapte parfaitement le rythme des images à celui de la musique et des bruitages.
Titane présente donc des thèmes, un scénario et un style de réalisation recherchés. Néanmoins, ceux-ci ne sont pas traités assez en profondeur et le film paraît trop énigmatique pour aboutir à quelque chose d’efficace. Les futurs films de Julia Ducournau restent cependant à suivre de très près !