Il y a de quoi nous pousser à (re)découvrir le premier essai des frères jumeaux, Ludovic et Zoran Boukherma, dans cette comptine qui a plus de mordant qu’il n’y parait. Pourtant, nous sommes toujours au pied d’un mur ou d’un fossé de désillusion, à vous de voir. « Willy 1er » prenait le parti de confronter l’indépendance d’un frère à une humanité dont il ignorait les subtilités, mais pour cette dernière anecdote de campagne, nous trouverons bien plus qu’un film sur le loup-garou. Les réalisateurs ne puisent pas tant que cela dans la mythologie d’une créature qui fait déjà partie d’une culture populaire, qui tend à banaliser le phénomène de foire et qui ne rend pas toujours justice à la malédiction qui en découle. Sur ce point, « Hurlements » de Joe Dante, ainsi que « Le Loup-Garou de Londres » de John Landis, nous emmenait déjà plus loin dans l’affiliation de la bête au sein d’une société méprisante. Notons également qu’un « Carrie » ne se cache pas si loin non plus. Nous retrouvons donc quelques vestiges de cette observation, que l’on isole dans un terrain de chasse morale, où la campagne constitue à la fois le berceau et le tombeau de ceux qui redoutent le changement.
Il s’agit de l’enjeu qui hante un Teddy, campé par un Anthony Bajon, qui s’enferme dans un confort de constance, mais qui ne lui sera évidemment pas bénéfique pour la gestion de ses pulsions. Doit-on reconnaître en lui un loup-garou en devenir ou en était-il déjà un sur le plan social ? Lui, qui est mal aimé par ses semblables, refoulait certainement une rage, ensuite traduite dans un élan de violence et de vengeance, vis-à-vis de ceux qui lui prive de fantasmer et d’exister à travers ses désirs les plus sincères. Son dilemme le conduit donc à revisiter l’amour qu’il éprouve et cette folie qui s’empare peu à peu de lui et qui mûrit dans des conditions proches des drames de notre actualité, où les agressions sont nombreuses et changent constamment de forme en fonction des victimes. Teddy devient alors un individu qui se voit marginalisé par des villageois, qui cultivent jugement et répression envers le jeune homme.
Si dans un premier temps, on nous superpose toutes les couches et raisons de cette transition horrifique, la seconde et dernière partie laisse place à une quête, assoiffée de sang et d’amour. Mais grâce au décalage du grotesque, sur un fond de malaise, l’atmosphère se remplit d’une tendresse qui ne se sent jamais égarée, bien au contraire. Les griffes et les crocs du garçon, sans diplôme et sans avenir dans la veine des conventions, s’affûtent au fur et à mesure que sa fragilité est mise à l’épreuve. A force de trébucher en public et s’absenter de son cercle familial, Teddy est démuni de tout accompagnement, car même sa bien-aimée Rebecca (Christine Gautier) ne lui est d’un grand secours, si ce n’est le réconfort et le refuge qu’il recherche de temps en temps. En rajoutant tant de complexité quant à l’évolution des sentiments dans le temps, on finit tout de même par y voir plus clair, mais l’instinct rattrape finalement une communauté qui ne peut faire l’effort d’être un minimum courtoise.
Entretenir sa douleur constitue donc toute une affaire de point de vue. Et « Teddy », à l’instar d’un Dr. Jekyll et M. Hyde, met en lumière les difficultés d’une jeunesse, soumise à la bêtise et à la solitude en milieu rural. Avec une audace insoupçonnable, l’œuvre empoigne une agonie avec une lucidité bouleversante. Portant, la terreur est loin d’être mise au placard, non. Elle aussi diffuse sa mélodie et ne se retiendra pas avant de résonner dans le cœur d’un spectateur, que l’on secoue juste assez pour qu’il prenne conscience du cauchemar qui se tient à côté de lui.