Après le "Frankenstein" de 1931, et juste avant le "Docteur Frankenstein" de 2015, je souhaitais vous parler d'une oeuvre que j'ai découverte hier, et que j'apprécie particulièrement. Loin d'être réputé pour son titre, "Frankensein s'est échappé" paraît pourtant trop banal, avant de débuter le visionnage; les distributeurs français ont toujours fait des erreurs, visiblement. Honnêtement, c'est sûrement, je pense, l'une des meilleurs adaptations de l'oeuvre de Mary Shelley, doublée d'un reboot de folie, d'un film de malade. Le casting illustre parfaitement, d'ailleurs, l'aspect très prestigieux de l'oeuvre. Peter Cushing endossant le rôle du docteur, il fallait quelqu'un de spécialement grand, mais pas forcément imposant. Le choix fut donc de s'armer de Christopher Lee pour donner vie à la créature, et à Terence Fisher de lui donner du sens. La collaboration des trois est extrêmement fructueuse, et s'avère l'une des plus intéressantes de la carrière commune des ces trois artistes, s'alliant à la perfection pour nous donner un résultat final au dessus de toutes attentes. Premièrement, le travail de Fisher est remarquable : il nous livre un travail d'une étonnante beauté, et d'une remarquable originalité. Ses plans, parfaitement choisis, assaisonnent le tout à la perfection, de même que l'écriture, très réfléchie, soutient facilement la comparaison. Bon, je tiens de suite à dire que j'ai vu le film en VO sans sous-titre, alos ne vous attendez pas à ce que je vous parle des dialogues en détails; l'on dira seulement qu'ils remplissent le cahier des charges avec pertinence. Non, l'intérêt de la rédaction viendra surtout du fait que le scénario changera véritablement de l'histoire de base de Shelley, tout en y gardant certains points d'attache, sinon des points de repères. L'on appréciera, par exemple, la transformation totale de la personnalité de Frankenstein : il n'a rien de particulièrement attachant, si ce n'est son interprète, le grand Peter Cushing, qui parvient à rendre un personnage détestable un minimum humain. L'originalité du personnage ( parmi tout ce qui a déja été fait ) viendra surtout du fait qu'il s'avère être un réel psychopathe, sans réels sentiments humains, si ce n'est son amour pour Elizabeth, qui le sauve, à mes yeux, de la folie la plus totale et alliénante. Sadique comme aucun autre pareil, Victor est saisissant de perversité. L'interprétation de Peter Cushing est elle-même impressionnante; comme tout le reste, ai-je envie de dire. Il amène son charisme si particulier à l'oeuvre, et transforme complètement, comme précédemment évoqué, la personnalité de Frankenstein, lui offrant une certaine ambigüité des plus appréciables, une nuance folle. L'homme se donen au film, et même s'il fait preuve de quelques surjeux, son énergie et sa présence ne pourront que nous faire apprécier sa prestation. De même pour Christopher Lee, qui aurait pu trouver, s'il n'avait point ni joué Dracula ni la Momie, trouver ici le rôle de sa vie. Son maquillage, que certains ont trouvé vieillissant, ne m'a guère gêné; je veux dire, quand on sort de la "Nuit du Loup-Garou", on est tout de même bien content d'avoir un Frankenstein comme celui là, et qui plus est en couleurs ( le film étant la première adaptation du mythe en couleurs ). Lee joue d'ailleurs son rôle de manière extrêmement particulière. Désirant, c'est évident, se démarquer complètement de l'hallucinante prestation de Boris Karloff, il tient là le bon bout, et nous offre un Frankenstein humain, bien que monstrueux ( le but était là, en même temps ). Sa manière de se mouvoir est également dépaysante : ses mouvements, saccadés à l'extrême mais d'une contradictoire fluidité, semblent à la fois hasardeux et ordonné, trouvant le point d'orgue d'un équilibre entre humanité et monstruosité. Pouvait-on rêver d'une meilleure adaptation, et d'un meilleur reboot pour la Hammer? Non. Et je pense sincèrement que les chiffres le prouvent : véritable succès inattendu, c'est surtout ce film qui contribua à graver la Hammer dans l'esprit des gens, et offrit à ses trois collaborateurs sus-cités, la carrière dont chacun rêvait. Du grand cinéma.