Playlist : les secrets du tournage

Playlist est le premier long-métrage de Nine Antico, autrice de bandes-dessinées (Le Goût du Paradis, Girls don't cry, Coney Island Baby entre autres). Elle s’intéresse au cinéma depuis son plus jeune âge et a même étudié durant un an en fac de cinéma mais était frustrée de ne pouvoir faire de films. C’est finalement en participant quelques années plus tard à des courts-métrages amateurs qu’elle renoua avec le cinéma : « j’avais entre 20 et 22 ans, je découvrais qu’on pouvait faire du cinéma en équipe. A l’époque j‘ai pu m’imaginer assistante réalisatrice. Cinéaste, non : je n’avais pas l’impression d’avoir des choses à raconter, c’est venu plus tard, via la bande dessinée. Me raconter moi-même a été un tremplin pour découvrir que je pouvais inventer des histoires, et je me suis dit que le cinéma reviendrait naturellement ».

Contactée par le producteur Thomas Verhaeghe qui souhaitait adapter son ouvrage Girls don’t cry en 2010, Nine Antico était plus intéressée par l’idée d’écrire un scénario original : « J’adorerais que quelqu’un s’empare de mes livres, mais ce que je fais en BD, c’est pour la BD ! J’avais aussi envie de personnages plus proches de la trentaine que dans Girls don’t cry ». Bien qu’inspiré de sa vie et de celles de son entourage, Playlist n’est pas un film autobiographique : « Le parcours de Sophie ressemble par moments à ce que j’ai vécu, mais il y a des péripéties totalement inventées et je ne veux pas démêler le vrai du faux ».

Playlist est tourné en noir et blanc, une évidence pour sa réalisatrice qui a d’ailleurs signé davantage de bandes-dessinées en noir et blanc qu’en couleurs. À ses yeux, le noir et blanc permet de rendre son histoire intemporelle : « je ne voulais pas spécialement ancrer le film dans l'actualité, l'image et le stylisme sont volontairement rétro pour "antidater" les aventures de Sophie, qui est une jeune femme moderne, comme il y en a eu à toutes les époques... ». Marquée par des films comme Frances Ha de Noah Baumbach, Tu dors Nicole du Canadien Stéphane Lafleur, ou certains Woody Allen, elle désirait se focaliser sur le cadre et les contrastes.

Bertrand Belin prête sa voix au narrateur de Playlist. Nine Antico revient sur ce choix : « J'aime beaucoup les narrateurs dans les films. Le côté « fil conducteur ». J'aimais l'idée d'une voix masculine, sur laquelle on s'interroge. Qui est-elle ? Pourquoi un homme ? Est-ce Dieu ? Est-ce la conscience de Sophie ? » Elle a choisi le chanteur pour son phrasé qu’elle qualifie de « très "Nouvelle Vague" ».

Nine Antico représente le milieu de la BD, finalement peu montré au cinéma : « La BD, c’est le vilain petit canard : en soirée, si je discute avec des gens hyper cultivés, quand je dis que je fais de la BD, après le « C’est sympa, ça, la BD ! », les gens avouent souvent qu’ils n’en lisent pas. Pourtant, la BD est une forme d’écriture qui traverse tous les genres. Elle est aussi vaste que le cinéma : il y en a pour tous les goûts. Bien qu’elle soit plus médiatisée qu’avant, elle reste encore rattachée à quelque chose de l’enfance, et dévalorisée ».

Si elle se considère comme féministe, Nine Antico affirme ne pas avoir voulu faire un film féministe : « Mais ce sont des personnages de filles qui sont libres, qui ne demandent pas d’autorisation, parfois avec perte et fracas. Elles ont du verbe, et une agressivité dans laquelle je peux me reconnaître. Je voulais parler du rapport à leur corps qu’ont les femmes. […] En tant que femme, prendre conscience de son corps, l’écouter, c’est essentiel, parce qu’on est très vulnérable, notamment à tout ce qui peut se transmettre par le sexe ».

Nine Antico, qui appréhendait la direction d’acteurs, a procédé au casting avec une amie et cinéaste, Dorothée Sebbagh : « Elle est drôle et solaire, elle aime l’ambiance des tournages ». Le choix de Sara Forestier a été une évidence : « Sara possède justement un rapport au corps qui n’est pas commun dans le cinéma français, elle peut aller loin, se transformer, elle ne fait pas dans la coquetterie ! » Quant à Laetitia Dosch, c’est après qu’elle a commenté un post Instagram de Nine Antico que celle-ci a pensé à la comédienne : « elle aimait beaucoup Maléfiques, une série de dessins que j’avais faite pour LeMonde.fr. Ça a fait tilt. Je lui ai proposé le film, Sara et Laetitia avaient très envie de tourner ensemble et je me suis dit : "Voilà un duo d’actrices que j’aurais envie de voir à l’écran" ».