Herman Mankiewicz est célèbre pour avoir écrit le scénario de "Citizen Kane", régulièrement adoubé comme l'un des plus grands films américains de tous les temps. "Mank" revient sur sa vie pendant les années 30, avec en fil rouge l'écriture du film d'Orson Welles, inspirée de ses propres rencontres. Mais "Mank" est surtout un film fait par et pour les amoureux de cinéma (et qui, malheureusement, ne sort pas au cinéma en France...), et tenait visiblement à cœur à David Fincher, dont le père décédé avait écrit le scénario. Soyons francs, entre le portrait acerbe des studios hollywoodiens, et les multiples références cinématographiques çà et là, il est sans doute difficile de rentrer dedans pour ceux qui ne s'intéressent pas au 7ème art. Sans parler des nombreux parallèles narratifs, thématiques, et visuels avec "Citizen Kane" : ceux qui n'ont pas vu le film d'Orson Welles risquent de ne pas comprendre le film de Fincher... ou tout au moins de passer complètement à côté. Pour autant, on est loin d'un trip élitiste."Mank" est impeccable sur la forme. Les images en noir et blanc sont sublimes, et le style évoque à merveille le cinéma des années 30/40 : photographie, éclairage, ils sont même allés jusqu'à intégrer de fausses "brûlure de cigarettes" en haut à droite de l'écran, et ils ont reproduit la texture des voix de l'époque (enregistrées en studio), de manière assez incroyable ! Dans le rôle du protagoniste, Gary Oldman est excellent. Il incarne cet auteur alcoolique auto-destructeur, qui masque un être doté de vraies valeurs morales et de convictions politiques fortes. Il constitue ainsi un "bouffon" tragique face à des studios qu'il méprise, dépeints comme hypocrites, conservateurs, et sous la botte du magnat des médias WR Hearst. Celui-ci, incarné par un charismatique Charles Dance, est présentée de manière fine, bien loin d'un "méchant" de service contrôlant les médias. Enfin, la construction en flashbacks entre-mêlés, outre le fait qu'elle calque "Citizen Kane" pour mieux exposer l'origine de ses thèmes, apporte une subtilité et des degrés de lecture intéressants, dont il faudra sans doute plus d'un visionnage pour en saisir tous les aboutissants. Faite par et pour le cinéma, dense et complexe, "Mank" est donc une très belle œuvre, qui boucle presque une année 2020 marquée par de trop longues fermetures de salles obscures...