Quel pays paradoxal que le Bangladesh ! Cet état musulman a beau être dirigé par une femme, les ouvrières y sont exploitées plus que partout au monde. La pauvreté y est si grande que les patrons, quels qu’ils soient, ne se font aucun scrupule de faire travailler les femmes comme des esclaves pour un salaire de misère. Et cela, bien sûr, dans des conditions de sécurité des plus déplorables. Ce qui se confirme dès la première séquence de ce film : l’état de délabrement de l’atelier dans lequel travaillent des ouvrières du textile est tel qu’un incendie s’y déclare.
Rubaiyat Hossain s’est inspirée de l’histoire vraie d’une employée pour réaliser un film engagé qui, je l’espère, ne laissera indifférent aucun de ceux qui le verront. Celle qui, dans ce long-métrage, ose se révolter se nomme Shibu. Du caractère et de la volonté, elle en a. Elle a trouvé refuge à Dacca après s’être enfuie loin de sa belle-mère qui, alors qu'elle n'avait que treize ans, voulait la marier à un homme beaucoup plus âgé qu’elle. Dans la capitale, elle a trouvé quelqu’un d’autre à épouser, mais c’est elle qui s’échine à travailler pour ramener un maigre salaire qui ne suffit pas à couvrir les besoins du ménage. De toute façon, comme elle l’affirme, quand on est femme, « qu’on soit mariée ou non, on est fichue » !
Pourtant, après l’incendie, alors que ses employeurs rechignent à lui payer ce qu’ils lui doivent, c’est elle qui se décide à la rébellion et qui, conseillée par une féministe qui lui fait découvrir les droits des ouvrières édictées dans le code du travail, se résout à fonder un syndicat. Pour parvenir à ses fins, elle doit lutter non seulement contre ses exploiteurs qui, bien sûr, ne veulent pas entendre parler de syndicat, mais également contre son mari qui cherche à la faire renoncer à ce projet et même contre le ministère du travail où l’on s’efforce de la décourager. Elle doit aussi convaincre suffisamment de ses collègues ouvrières du textile, ce qui ne va pas de soi, tant elles craignent toutes de perdre leur emploi en étant syndiquées.
La réalisatrice a filmé le combat de cette femme avec une empathie communicative. Quant à nous, s’il nous arrive d’acheter un T-shirt « made in Bangladesh », aurons-nous plus qu’une simple pensée pour les femmes qui, dans des conditions effroyables, ont fabriqué ce produit ?