« Les Marines n’ont pas le droit de mourir sans permission. »
Poursuivant ma plongée tardive dans les films liés au Vietnam et après avoir revu Apocalypse Now, enfin découvert Rambo (dont je n’ai pas dépassé le 2ème épisode), Platoon et les autres volets du triptyque vietnamien d’Oliver Stone (Né un 4 juillet, Entre ciel et terre), je revois les classiques vus plus jeune, parfois à leur sortie, comme ce Full Metal Jacket dont je n’avais gardé que peu de souvenirs.
Original dans sa conception et son propos, ce film l’est résolument : on y aborde d’abord l’entraînement des Marines appelés à combattre au Vietnam. Durant trois quarts d’heure, on assiste ainsi à leur déshumanisation qui commence dès le générique, au fil des tignasses qui sont rasées, moment à la fois drôle et dramatique. La suite est du même acabit : à l’exception de réponses aboyées monosyllabiquement par les jeunes recrues, on n’entend que la gueulante du sergent instructeur qui balaie le lexique complet des insultes et de la grossièreté la plus dégueulasse. C’est radicalement raciste, homophobe, sexiste, grossophobe, harcelant et c’est, là encore, à la fois drôle et terriblement dramatique.
Durant toute cette première partie, notons l’incroyable logorrhée de R. Lee Ermey, ancien Marine lui-même ayant officié au Vietnam, devenu instructeur puis consultant et acteur, notamment pour Francis Ford Coppola sur Apocalypse Now. La prouesse d’interprétation est due à cette expérience de vie et à la grande liberté d’improvisation dont le militaire/acteur a pu bénéficier de la part de Kubrick, lit-on. Les autres acteurs (dont Matthew Modine qui avait joué dans Birdy, Alan Parker, trois ans plus tôt et Vincent d’Onofrio, à la fois sensible et troublant) ne sont pas en reste dans leur jeu mécanique et quasi muet, ce qui amplifie l’impression d’une entreprise de complète déshumanisation. Drôle et terriblement dramatique, disais-je, toute cette partie met le spectateur, la spectatrice, très mal à l’aise. La réalisation brute, en gros plans permanents accentue cette sensation de voyeurisme malsain.
La seconde partie, au Vietnam, s’étire quelque peu, soulignant l’ennui des journalistes cantonnés à la base, le quotidien d’un QG normalement éloigné de front dans un pays en guerre.
La troisième partie, quand le personnage principal redevient soldat à part entière, démontre l’absurde atrocité des crimes de guerre de la part de chaque camp, le tout magnifié par la musique de l’éphémère compositrice Vivian Kubrick, propre fille du réalisateur n’ayant pas poursuivi sa carrière. On assiste enfin, tirée en travellings lents et ponctuée de ralentis, à une scène de guerrila urbaine à la fois prévisible et cruelle. La toute toute fin reprend la dualité du début, définitivement décalée, comme pour souligner le dérisoire de cette situation.