7 ans après avoir frappé fort dans le domaine de l'épouvante, avec sa lecture de l'oeuvre de Stephen King, Shining, Stanley Kubrick nous revient pour une oeuvre à caractère encore plus sulfureux: la guerre du Vietnam. Se basant sur le récit d'un correspondant de guerre au Vietnam et du livre de Gustav Hasford, The Short Timers, Kubrick a décidé de séparer son nouvel opus en deux parties. La première suit les nouvelles recrues dans un centre d'entraînement, dirigés d'une main de fer par un sergent instructeur des plus virulents. La deuxième se concentre sur la vie au front et les combats. Choix des plus intelligents de la part de Kubrick qui, de cette façon, remplace un enfer par un autre, et nous donne un bon aperçu des conditions de vie des jeunes bidasses pendant ces périodes. "L'entraînement" s'apparente plus à de la torture psychologique, afin de transformer des jeunes en machine de guerre dénués de toute émotion. Chaque jour est un vrai calvaire pour Guignol, Cowboy et Baleine: entre travaux forcés et humiliations permanentes, ils n'ont pas une minute pour s'en remettre. Chacun fait ce qu'il peut pour garder un semblant d'humanité face au bloc de glace Hatmann. Ce dernier est interprété Lee Ermey, ancien sergent-instructeur, et l'auteur même du monologue du début. Et il y met toute ses tripes. Il livre une prestation inoubliable, tant elle ne nous lâche pas pendant une heure. On hésite parfois entre la colère et le rire, tant ce qu'il inflige aux recrues est extrême. Les trois personnages principaux peuvent représenter les différentes figures que composent une armée, dans l'inconscient collectif: Guignol (génial Matthew Modine), avec son casque sur lequel un badge pacifiste est accolé à une inscription "Born to Kill", représente bien la contradiction du personnage, qui nous est surement le plus proche. Formé pour devenir une machine à tuer, mais ayant réussi à conserver une part d'humanité l'empêchant d'en être une. Cowboy, lui, représente l'entre-deux, machine à tuer mais dans lequel un semblant d'âme existe. Baleine (Vincent D'Onofrio, mémorable), quant à lui, représente la réussite du système, qui parvient à le faire passer de nounours naïf à bête de guerre. Les scènes se passant sur le terrain sont une autre manière de Kubrick de dénoncer une guerre sans visage dans laquelle seules des ruines existent et d'où aucun ne peut échapper. La scène finale achève le tout, avec ces soldats entonnant un hymne joyeux sur fond de ville incendié et de guerre où finalement peu d'humanité subsiste. Un bijou, comme Kubrick nous a habitué: sans concession, sans échappatoire. Une oeuvre atypique, et un autre chef d'oeuvre sur la guerre du Vietnam.