Difficile de se revendiquer cinéphile sans s’être penché, ne serait-ce que brièvement, sur une filmographie bien particulière, à savoir celle d’un certain Stanley Kubrick ; non sans raison, celui-ci étant pour beaucoup l’une des plus éminentes figures du septième art, et j’aurai dans mon cas grandement tardé à découvrir son œuvre. J’ai donc voilà peu jeté mon dévolu sur Full Metal Jacket, avant-dernier film du cinéaste et référence majeure de la guerre du Viêt Nam sur grand écran, une bonne mise en bouche en somme ; et force est de constater que ce long-métrage n’a pas volé sa réputation, mais s’est avéré être inégal en terme d’intérêt, la faute à une seconde partie bien moins captivante que la précédente. En effet, l’acte Parris Island se révèle rapidement être aussi fascinant que sans concessions, le terrible sergent instructeur Hartman imprimant de par ses innombrables injures et vociférations incessantes un rythme infernal, couplé à une mise en scène sans fioritures ; ainsi, Full Metal Jacket démarre sur les chapeaux de roue, et son intrigue somme toute simpliste nous happe pourtant avec un brio incroyable. Ce tour de force résulte en grande partie du démoniaque Hartman, campé par un Lee Ermey habité, ainsi que de la recrue Lawrence, surnommé pour l’occasion Gomer Pyle (ou Grosse Baleine) ; de ce duo improbable qui n’en est pas un découle en effet une tension latente, et qui n’aura de cesse de gagner en intensité... jusqu’au grand bouquet final, aussi prévisible que dramatique, pathétique même. Car la particularité de cette partie est avant tout de nous dépeindre les travers d’une formation inhumaine, les humiliations se trouvant justifiées par un objectif suprême et un esprit de camaraderie agité tel un porte-étendard ; bref, Full Metal Jacket emporte notre adhésion, fort d’une lecture inédite et foutrement intéressante des dessous du conflit au Viêt-Nam, et ce sans même avoir eu à y mettre les pieds. Toutefois, la seconde partie post Parris Island y remédie en nous propulsant aux abords de l’offensive du Tet, la trame s’attachant à suivre les tribulations du protagoniste principal, alors affecté à une unité journalistique ; dès lors, cet acte verse immanquablement dans une approche plus classique du sujet, mais sans pour autant se départager d’un propos travaillé, James T. « Joker » Davis nous conduisant lentement mais sûrement à une réflexion sur sa propre moralité au sein d’un tel conflit. On aurait donc pu craindre un traitement plus ou moins grossier de l’action sur place, mais il n’en est heureusement rien, preuve en est d’une subtilité parcourant de bout en long le long-métrage ; en réalité, le bât finit par blesser du fait d’un rythme décroissant, Full Metal Jacket ne parvenant pas à retrouver la puissance narrative inhérente à l’intrigue de Parris Island, tandis que Joker n’égal en rien l’intérêt suscité par des figures aussi mémorables que Hartman et Gomer Pyle (d’autant que Vincent d’Onofrio se sera fendu d’une interprétation ahurissante). En résumé, cette réalisation de Stanley Kubrick brille d’une dimension humaine indéniable, parfaitement porté par un message critique réussi ; difficile de faire mieux dans le genre en somme, mais l’on regrettera cette seconde partie de long-métrage traînant finalement la patte...