La Plus Précieuse Des Marchandises a été présenté en Compétition au Festival de Cannes 2024, et y a remporté le prix du Cinéma positif pour saluer son engagement et son message sur des thématiques fortes, pleines d’espoir et d’humanité, mais aussi permettre au monde de réfléchir à un monde meilleur. Le film a aussi fait l’ouverture du Festival International du Film d'Annecy où il a reçu une standing-ovation de 5 minutes.
Pour son premier film d’animation, le réalisateur Michel Hazanavicius choisit d’adapter le livre La Plus Précieuse Des Marchandises de Jean-Claude Grumberg. Le producteur Patrick Sobelman et Studiocanal lui ont proposé d’adapter le roman avant même qu’il ne soit publié. Le cinéaste a alors collaboré avec l’auteur qui l'a aidé notamment dans la représentation de la Shoah.
Le réalisateur Michel Hazanavicius et l'auteur Jean-Claude Grumberg se connaissent depuis longtemps : en effet, Grumberg est ami depuis son adolescence avec les parents du réalisateur. Ce dernier a d’ailleurs déclaré que cette collaboration avec le romancier a permis de témoigner et de se souvenir de la Shoah mais avant tout de raconter une belle histoire, grâce à sa sensibilité, à son humour et à son intelligence.
Le réalisateur Michel Hazanavicius a dessiné lui-même les images de ce film d’animation. Il a révélé qu’il dessinait depuis ses 10 ans et qu’il a été difficile pour lui de montrer ses travaux, étant donné que la pratique du dessin est assez intime et personnelle pour lui. C’est la première fois qu’il a pensé à exploiter cette approche pour l'un de ses films.
Le livre de Jean-Claude Grumberg ayant été publié en 2019, Michel Hazanavicius avait donc son projet en tête depuis 5 ans environ. Au-delà du temps de création nécessaire à la création d'un film d’animation, la production a aussi été perturbée par la pandémie de COVID-19 mais aussi par des événements plus personnels survenus au sein de l’équipe comme un burn-out, un infarctus mais aussi -plus joyeux- une naissance.
Jean-Louis Trintignant, décédé en juin 2022, fait sa dernière apparition vocale dans le film de Michel Hazanavicius. Il incarne en effet le narrateur de l’histoire. Le réalisateur a par la suite déclaré que la rencontre avec l’acteur et l’enregistrement étaient des moments très émouvants et touchants. Denis Podalydès et Dominique Blanc viennent compléter le casting vocal.
Secrets de tournage rédigés par Mariette Jean
Parce que son histoire personnelle est intimement liée à la Seconde Guerre Mondiale — il est issu d’une famille de Juifs d’Europe de l’Est — Michel Hazanavicius a longtemps refusé de faire un film sur la Shoah. C'est en discutant avec son épouse Bérénice Bejo, par rapport à ses propres enfants, qu’il a accepté la proposition.
Au départ, le dessinateur Jean-Claude Grumberg a proposé à Robert Guédiguian d’adapter son livre, mais celui-ci a décliné, déclarant qu’il ne saurait pas le faire. En revanche, c’est lui qui a donné le projet au producteur Patrick Sobelman, qui l’a ensuite soumis à Michel Hazanavicius.
En amont de l’élaboration du film, Michel Hazanavicius s’est rendu à Auschwitz, a relu Si c’est un Homme de Primo Levi et a consulté de nombreux dessins de déportés. Lorsqu’il a voulu être trop fidèle à la réalité historique, le dessinateur Jean-Claude Grumberg lui a fait remarquer qu’il s’agissait d’un conte familial, et qu’il ne fallait pas faire peur aux enfants. Le réalisateur a donc été dans ce sens.
Le réalisateur est resté plutôt fidèle au livre de Jean-Claude Grumberg, à deux éléments près, comme il le raconte dans un entretien accordé au site du CNC, en juin 2024 :
" Dans le livre, l’histoire du père qui abandonne son bébé et celle des bûcherons qui le recueillent avancent en parallèle. Moi, j’ai créé un mouvement qui part du conte, qui assume son côté « il était une fois » avant que, petit à petit, la réalité s’immisce dans l’histoire à travers les yeux des personnages. Et j’ai aussi changé la scène des retrouvailles finales entre le père et sa fille. Dans le livre, il lui souriait, elle lui souriait et il repartait. J’ai ressenti le besoin de montrer le rejet de la petite fille, et que le père comprenne à travers les yeux de son enfant ce qu’il est devenu – un être totalement déshumanisé. Cette scène le pousse à choisir de refaire le même sacrifice qu’au début du film."
Si Michel Hazanavicius s’est d’abord inspiré des premiers Disney comme Dumbo ou Pinocchio, il a rapidement compris qu’il souhaitait autre chose pour La Plus Précieuse des marchandises. Il s’est alors tourné vers la peinture française de la fin du XIXe siècle, à l’image de Gustave Courbet avant de se raviser devant la difficulté à en rendre compte par l’image animée. Le réalisateur a alors découvert les estampes japonaises grâce à une exposition et s’est nourri du travail de l’illustrateur Henri Rivière, l’une des figures majeures du japonisme en France, pour faire son film.
Michel Hazanavicius a choisi sciemment de montrer des images inanimées lors des scènes dans les camps, avec le charnier. Il y a également ajouté de la neige et de la fumée afin de suggérer, en pudeur. Par ailleurs, la forme animée est la plus judicieuse manière de montrer la Shoah, selon le réalisateur, comme il l’explique :
"Si vous avez une scène dans un camp et que vous ne racontez pas l’horreur de ce qui s’y est passé, vous êtes dans une forme de mensonge, de déni de l’Histoire. Et à l’inverse si vous montrez tel quel ce que racontent les témoignages et les historiens, vous créez un spectacle impossible à regarder, voire obscène. Toute la question est donc celle de la suggestion. Et pour ça l’animation, le dessin - en tout cas pour moi - était la forme la mieux adaptée pour succéder au documentaire."
Michel Hazanavicius n’a pas voulu se focaliser sur la mort ou la guerre, mais a souhaité davantage rendre hommage aux Justes. Selon le réalisateur, La Plus Précieuse des Marchandises est un film sur la vie.
C’est le compositeur Alexandre Desplat, lauréat de deux Oscars (La Forme de l’eau, The Grand Budapest Hotel) et 3 César ( De battre mon coeur s’est arrêté, De Rouille et d’Os, The Ghost Writer) qui signe la musique du film.
Afin d’intégrer le processus de montage dès l’animation des dessins, Michel Hazanavicius a souhaité tourner une sorte de brouillon du film avec quinze véritables acteurs, au théâtre de l’Épée de bois, à Vincennes. Il n’y avait alors ni figurant, ni décor, ni accessoire, mais cela a servi de base de travail au réalisateur pour élaborer le découpage du storyboard, et limiter le film à 75 minutes.
Les grands yeux ronds du personnage sont inspirés de l’illustrateur Gus Bofa, qui a notamment fait la Première Guerre Mondiale et a dessiné jusqu’à la fin de ses jours, en 1968.
La Plus Précieuse des marchandises contient peu de dialogues. Michel Hazanavicius s’est notamment inspiré de la dernière scène des Lumières de la Ville de Charlie Chaplin pour les retrouvailles entre le père et sa fille, dans le village polonais. Une scène qui a pris beaucoup de temps au cinéaste, afin de trouver le ton juste.