Braquer Poitiers est né d’un pari improbable avec le comédien Wilfrid Ameuille. Le metteur en scène Claude Schmitz se rappelle : "Quand je tournais mon film précédent (Rien sauf l’été, 2017), Wilfrid est passé presque par hasard sur le tournage. Je le connaissais à peine, je savais simplement que c’était un ami de mon oncle. Il m’a parlé de son travail, de sa solitude... Finalement, il a tourné dans deux scènes sans être gêné le moins du monde par la caméra. Pendant cet été, notre communauté éphémère a sans doute représenté pour Wilfrid quelque chose qu’il recherchait et désirait pour lui-même. C’est, je pense, la raison pour laquelle il m’a proposé spontanément de venir faire un film chez lui. Invitation à laquelle j’ai répondu par une provocation amusée : « D’accord, mais alors tu le produis et tu y joues ton propre rôle ». Je savais qu’il dirigeait une chaîne de stations de lavage de voiture dans la région de Poitiers. Il a pris la proposition au sérieux et a accepté."
Claude Schmitz est diplômé de L’Institut National Supérieur des Arts du Spectacle (INSAS) et est actuellement en compagnonnage au Théâtre de Liège (2018-2022). Il créé et met en scène de nombreuses pièces, dont Darius, Stan et Gabriel contre le monde méchant. De cette expérience du théâtre, le cinéaste garde le goût d’une forme d’improvisation, d’une place laissée à l’imprévu.
Claude Schmitz n’avait pas d’idées préconçues sur l’histoire du film. Il tournait chronologiquement, captant au jour le jour les relations entre ses comédiens, et discutait le soir avec eux de l’avancée du projet. Le but était de capter des instants de vérité, et d’insuffler de la vie dans les images.
Claude Schmitz est également le réalisateur d’un clip du groupe belge Girls in Hawaii. Dans « This light », il filme Hélène Bressiant et Marc Barbé, qui réapparaissent dans Braquer Poitiers.
Claude Schmitz explique ce qui l'a intéressé dans la personnalité de Wilfrid : "Wilfrid a une personnalité complexe, souvent contradictoire, c’est également un poète. Pas au sens strict - même s’il lui arrive d’écrire - mais disons que sa vision du monde est assez atypique. Lorsqu’on discute avec lui, on a la sensation de suivre en temps réel le fil de sa pensée, car c’est quelqu’un qui se livre. C’est à la fois intense et touchant. De façon générale, j’ai toujours été attiré par les personnalités qui s’inscrivent dans une certaine marge et qui ont un rapport particulier au monde. C’est toute la problématique de Wilfrid : comment évoluer dans une société où sa façon de penser et de vivre est perçue comme une étrangeté."
Francis Soetens, qui a souvent collaboré avec Claude Schmitz, est un ancien chanteur des rues. La séquence où il chante sur du Jacques Brel est un souvenir de ce passé.
L’enjeu de ce tournage était de se placer dans un état de disponibilité totale. Claude Schmitz n’impose rien aux acteurs : pour eux, il s’agissait moins d’improviser que de se fondre dans l’instant présent. Il précise : "L’objectif était d’atteindre un équilibre subtil et indistinct entre fiction et réalité, ce qui impliquait de rester attentif aux accidents et aux opportunités. En général, nous faisions une à trois prises maximum, afin de garder la spontanéité. Par exemple, le jour de la fête de la musique, nous nous sommes rendus à Poitiers pour voir ce qui allait se passer. Un autre jour, nous nous apprêtions à passer la journée au Futuroscope, mais comme le prix d’entrée était hors budget, nous nous sommes rabattus sur la Planète des Crocodiles. Nous avons inventé la scène de flirt entre Francis et Hélène en tombant par hasard sur des ruines alors que nous visitions la région. Nous prenions nos repas ensemble et la caméra tournait. Quand Francis se met à chanter Brel, c’est parce que la chanson passait dans une playlist au même moment…"