Albert Dupontel avait envie d’une tragédie burlesque, tout en commentant, à sa façon comme toujours, le monde qui l’environne. "Pour cette histoire, je suis parti de l’idée d’opposer deux « combles », quelqu’un qui veut vivre mais qui ne peut pas, à quelqu’un qui pourrait vivre mais qui ne veut pas."
Écrire a toujours été difficile pour Albert Dupontel. Le cinéaste confier passer 18 mois à réécrire la même histoire depuis 20 ans. "Je suis un « Sisyphe narratif », avec de surcroît le rocher qui me tombe sur la tête. À vrai dire, je pense que nous avons tous en nous beaucoup d’histoires, la difficulté pour moi consiste à les extirper de ma confusion mentale."
Albert Dupontel semble tisser une thématique commune entre ses différents films, de Bernie à Adieu les cons, autour de la filiation et aussi de la maternité : "Sans que je sache pourquoi. Ces thèmes m’attirent comme un reset permanent de mon disque dur personnel et pourtant j’ai eu une enfance super. Aimé et éduqué mais peut-être dans une autre vie, ça s’est moins bien passé (rires) ? Le prochain sujet aura un autre décorum mais ses ressorts dramatiques seront aussi ancrés dans ce thème."
L’idée du mélange des genres, entre le burlesque et le drame, était l'ambition intellectuelle de départ d'Albert Dupontel. "Les films qui m’ont marqué véhiculent beaucoup ces deux sentiments. De Chaplin à Terry Gilliam, en passant par Ken Loach. J’essaie de m’en faire l’écho. Mais quel que soit mon « sérieux », j’essaie surtout d’être distrayant. Le propos est grave mais l’ambition est que le spectateur voyage."
Selon Albert Dupontel, Virginie Efira s’est prêtée avec beaucoup d’humilité au jeu des essais. "Je l’ai trouvée épatante, ce qu’a confirmé la caméra. Un mélange populaire, sexy, émouvant. L’incarnation du personnage de Suze lui appartient. Je n’ai eu qu’à surfer sur ses larmes. De surcroît, elle dégage à l’image une tendresse et une humanité que j’ai, aux rushs, accueillis avec ravissement. Ce qui m’intéressait, c’était de raconter la détresse de cette femme qui va rencontrer plein de bras cassés sur son parcours, face à une administration indifférente et numérisée. Suze va libérer ce petit monde sur son passage, désinhiber JB et révéler l’amour fou pour la vie qu’a Monsieur Blin."
Albert Dupontel rend un hommage appuyé à Brazil de Terry Gilliam avec Adieu les cons. Le cinéaste anglais fait d'ailleurs un caméo dans le long-métrage. "Ce film a été fondateur en ce qui concerne ma vocation dans le cinéma. J’y ai vu à l’époque tous mes rêves et tous mes cauchemars. La prophétisation sombre et joyeuse de Terry sur le monde qui venait me paraissait à l’époque d’une justesse incroyable et correspondait à un ressenti très fort. Je lui rends modestement hommage dans ce film en racontant les mêmes déviances kafkaïennes du monde de maintenant et j’y ai ajouté quelques clins d’oeil, d’où le fait d’avoir nommé les personnages Kurtzman, Tuttle, Lint (les Braziliens comprendront). Terry lui-même est venu valider ce succédané Brazilien. Quand je lui ai fait lire le scénario, lui proposant le petit rôle du vendeur d’armes, il m’a dit : « Ton film est aussi improbable que la réalité, je viens »."
D'après Albert Dupontel, Adieu les cons a été beaucoup plus facile à réaliser qu’Au revoir là-haut. Le réalisateur souhaitait se concentrer surtout sur une « narration émotionnelle », en conséquence mettre l’énergie sur l’incarnation de ces émotions avec les acteurs. "Pour ce faire, le film se passant pour moitié de nuit, je suis resté en studio, sur fond bleu, imaginant et racontant les décors à défaut de les avoir. Cela m’évitait le labeur d’un tournage de nuit d’un décor naturel peu maîtrisable. Et surtout, je souhaitais poétiser et magnifier le plus possible ces décors urbains, souvent sinistres, afin qu’ils m’aident à raconter ce conte. Pour être tout à fait sincère, je savais très bien que Cédric Fayolle (le superviseur des effets spéciaux) créerait et poétiserait ces décors urbains sur lesquels il a travaillé près de 8 mois. Rapport aux VFX, la seule question que je me suis posé en fin de post-production était : « Qu’est-ce qu’ils ne peuvent pas faire ? ». Et je n’ai pas trouvé la réponse... Cédric était en osmose totale avec le projet et a également dirigé la seconde équipe."
Adieu les cons est dédicacé au Monty Python Terry Jones, décédé en janvier 2020. "Terry Jones a été le premier des Monty Python que j’ai connus, après la sortie de Bernie", confie Albert Dupontel. "Il m’avait demandé une VHS pour voir le film, puis j’ai reçu deux lettres de lui, me disant qu’il avait beaucoup aimé le film mais qu’il n’avait pas encore tout vu (rires). Sa considération à mon égard m’a fait un bien fou. Que le metteur en scène des Monty Python vienne ensuite incarner Dieu dans mon deuxième film (Le Créateur) était pour moi un véritable aboutissement. Une de mes boucles était bouclée. Sa faconde, sa culture, sa gentillesse, son humour me manquent énormément."