Le long métrage de J Blakeson que propose Netflix est une vraie réussite. Ca fait plaisir de voir une comédie noire, bourrée de cynisme et de mauvais esprit sur le petit écran, faute d’en voir sur un grand. Dans sa forme déjà, J Blakeson nous a concoctée un long métrage de presque deux heures qui ne laisse jamais de répits au spectateur. Même si sa réalisation semble au départ très conventionnelle, il y a quelques scènes où on se dit que quand même, il connait bien le job. En dépit de ses deux heures le film est assez resserré, alternant les passages d’action dans le genre « pur et dur » avec de scènes davantage tournées vers le suspens, le tout saupoudré d’un humour noir assez efficace. Il utilise la musique de façon intelligente, ne lui donnant jamais le dessus sur l’image. Le film commence comme une comédie noire, jetant une lumière crue et sans pitié sur le système hallucinant des tutelles judiciaires, présentant une escroquerie de spoliation légale perpétrée par une sociopathe comme une entreprise florissante, triomphe d’une Amérique sans scrupule, qui met l’argent et la réussite au dessus de toute autre valeur (une Amérique Trumpiste, en quelque sorte). Et puis plus le film avance, plus on se retrouve dans un sorte de western moderne, bras de fer assez jouissifs entre deux malfrats tout aussi dangereux l’un que l’autre. Mêlant violence et intelligence, l’un au service de l’autre et inversement, on ne sait jamais lequel des deux va avoir le dessus ou s’ils vont s’entre-tuer. C’est à Romanund Pike qu’a échu le rôle de Marla, un rôle qui fait quant même beaucoup penser à celui qu’elle tenait brillamment dans « Gone Girl » : froide, la sourire carnassier, l’œil vif, elle incarne avec beaucoup d’efficacité une femme qui semble jouer aux échecs avec le monde entier : elle semble toujours en train de préparer un ou deux coups d’avance sur tout le monde, sans jamais se départir de son sourire forcé. Ce genre de rôle lui sied à merveille, mais je ne sais pas si c’est vraiment un compliment à lui faire ! En face d’elle, il y a Peter Dinklage. Fort de l’expérience (et de la renommée) acquise dans « Game of Thrones », lui non plus n’a pas beaucoup à forcer son talent pour donner corps à un mafieux prêt à tout pour sa retrouver Jennifer.
Lui ce n’est pas l’argent qui le motive, il en a déjà plein, il veut juste libérer sa maman. Il y a quelque chose de délicieux à voir ce truand tout mettre en œuvre, même le pire, pour juste serrer sa mère dans ses bras.
Quelques jolis seconds rôles sont tenus par Eiza Gonzalez, Dianne West ou encore Chris Messina. Ils ont deux ou trois scènes pour exprimer leur talent, chacun leur tour mais c’est malheureusement peu, éclipsés qu’ils sont par le charisme de Pike et de Dinklage. Le duel prend peu à peu toute la place d’un scénario qui ne manque pas de qualité. D’abord, voilà un scénario qui ose. Il ose traiter un problème mal connu, celui des tutelles judiciaires. Dans un pays comme les Etats-Unis, où tout est judiciarisé, où la Sécurité Sociale est ce qu’elle est, où la fin justifie souvent les moyens, j’imagine que « I Care a lot » caricature juste un peu une réalité très cruelle. Voilà un sujet différent, inédit, et qui peut amener à réflexion ! Le scénario ose en outre présenter un duel du Mal contre le Mal. Le spectateur sera bien incapable de prendre parti pour l’un ou l’autre et pourtant, suivant qui est victime de l’exaction en cours à l’écran, notre cœur balance. Aucun des deux ne mérite notre indulgence mais leur duel à mort ne nous laisse jamais indifférent. Les 20 dernières minutes sont formidables de ce point de vue. On ferme les yeux sur quelques petits rebondissements peu crédibles (la scène de la voiture notamment, et le coup de la dent !) et on se dirige tout droit vers un final d’un cynisme total, absolu, parfaitement immoral (et rare au cinéma)
lorsque surgit la toute dernière scène. On ne l’a pas vu venir, mais elle apporte, in extremis, un tout petit peu de morale dans un long métrage qui en comportait bien peu,
« I care a lot » est un film qui mérite carrément le détour, pour peu qu’on soit amené faire un détour pour accéder à sa télévision !