Les misérables version banlieue française par Ladj Ly je vais clairement le ranger du côté des films que j'apprécie, parce qu'ils sont vraiment bons, mais avec lesquels je ne suis pas en accord nécessairement sur le fond. Je peux citer par exemple l'an dernier BlacKkKlansman dans le genre.
Et en fait Ladj Ly utilise quasiment le même tour de passe passe que Spike Lee (pas étonnant que ce dernier soit le parrain du film pour les Oscar), il utilise un personnage beaucoup plus mesuré que ne peut l'être Ladj Ly dans la réalité, ce qui permet au spectateur de s'identifier, de rentrer dans l'histoire et de faire passer son message plus subtilement, plus gentiment, sans que les gens ne se braquent immédiatement.
J'aime beaucoup l'ouverture du film avec la coupe du monde de foot, j'aurais aimé que ça dure, déjà parce que c'est vraiment beau visuellement et c'est intéressant car ça contraste avec le bordel qu'on va voir ensuite dans le film. Le début est un moment d'unité nationale, unité qui va bien vite disparaître... Reste que c'est sacrément beau.
Et donc après la beauté, place à la réalité quotidienne. On suit donc un flic qui a été muté à la BAC de Montfermeil. Le procédé est connu, avoir un nouveau permet de mieux présenter l'univers du film et franchement ça fonctionne bien, entre Jeanne Balibar absolument géniale en commissaire de police (dommage qu'on la voit si peu, espérons qu'elle soit dans les suites) et les autres flics on voit immédiatement à quoi on a à faire.
Avoir ce regard neuf permet pour Ladj Ly de mettre le spectateur dans sa poche et de bien montrer les excès de certains flics, notamment avec le personnage de Chris qui est quand même vraiment un débile. Vu qu'on voit qu'il est débile, que le héros voit qu'il est débile, ben le message est passé, il y a des flics débiles qui se croient tout permis...
Ce qui est intéressant c'est que ce n'est pas manichéen, tout ça est très ambigüe tout du long (bien que le réalisateur prenne clairement parti contre les violences policières et se situe plus du côté des gamins). Car finalement ce n'est pas le mauvais flic qui met le feu aux poudres, mais quelqu'un de bien plus calme et qui comprend bien mieux le quartier... En plus les jeunes étaient clairement hors la loi, en plus d'avoir réellement fait une connerie qui méritait que la police s'en mêle.
Et c'est cette ambigüité qui rend le film appréciable, digeste. Si ça avait été juste un brûlot anti police, le film n'aurait clairement pas eu le même intérêt.
L'autre intelligence de Ladj Ly c'est d'avoir pris le temps, au début du film, de montrer la routine de la BAC, les gens qui tournent, qui parlent aux jeunes (plus ou moins violemment), de voir un peu les personnages qui y vivent et ainsi attacher émotionnellement le spectateur à ce lieu et aux gens qui y vivent, ce qui interdit le spectateur de dire qu'il faudrait juste se débarrasser de toutes ces tours...
Après, si j'ai l'impression qu'il a bien travaillé sur son film pour qu'il soit le meilleur possible, le plus nuancé possible... il n'est pas comme ça dans la vraie vie, où d'après les entretiens que j'ai pu lire, il est plus bas du front, beaucoup moins dans la mesure... et c'est dommage puisqu'il dessert son film et son propos et donne juste une bête impression de film antiflic idiot. Enfin...
Là où je ne suis pas nécessairement d'accord avec le fond du film, c'est que je pense que si tu t'en prends aux forces de l'ordre (surtout en bande), si tu tentes de te soustraire à une arrestation il ne faut pas s'étonner qu'il y ait une violence physique de la part des policiers...
Dans tous les cas la vie dans le quartier ne donne pas envie du tout, du tout...