Ce qu’Hollywood n’aura probablement jamais et qu’il ne pourra probablement pas exploiter à son plein potentiel, c’est bien évidemment la culture chinoise. Son industrie cinématographique n’a ni besoin de super-héros, ni besoin d’importer plus de contes folkloriques. Ce pas en retrait de Warner laisse donc une plus grande liberté au studio Light Chaser afin d’alimenter un récit mélodramatique d’un souffle épique et magnifiquement poétique. C’est ce que fait la force de cette adaptation d’une légende, qui traverse les générations. Ji Zhao et Amp Wong le prouvent d’une belle manière, en insufflant de l’émotion, là où l’éclosion des fleurs annonce autant un amour naissant, qu’une histoire qui se renouvelle à chaque saison.
Il serait vain d’expliquer à ceux qui ont au préalable découvert le « Green Snake » de Tsui Hark, qui arpentait déjà un gros segment du mythe. D’autres l’ont également fait, jusqu’à le décliner au format sériel. Malgré tout, cette animation repart sur des nouvelles bases, pour un public venu chercher l’authenticité d’un récit, où des personnages de toute espèce s’affrontent pour le pouvoir. Et au milieu de ce carnage, nous remontons aux origines et à un angle mort d’un amour entre Blanca et son sauveur. Disons-le alors de suite, le scénario est prévisible, mais le plaisir est ailleurs, à commencer par un visuel, qui ne bouleversera pas pour autant les codes, mais qui apporte une grande fraîcheur, là où d’autres négligent sa pertinence en l’associant à une bonne narration. C’est le cas avec cette aventure, qui ne cesse d’émerveiller grâce aux paysages et au design de personnages. Autant affirmer que l’immersion ne sera que plus aisée et plus appréciée.
Les scènes de combats s’enchaînent, sans surcharger les péripéties et l’on s’accorde également le luxe de suggérer des relations charnelles, quand certains l’auraient censuré ou déformé. Les femmes de l’intrigue n’ont pourtant rien de faire-valoir ici, elles sont fortes à l’image de Blanca et sa sœur Verta, mais également dotée d’un humanisme, que même l’idéaliste Xuan ne peut prétendre. Leur complexité vient affiner cette image que l’on pourrait se faire d’elles, comme objet de désir. Blanca porte en elle cette malédiction qui l’oblige à trouver une identité propre, dans le monde où elle renaît et au sein d’un groupe qu’elle doit guider. Adversité et dualité seront donc les moteurs de cette fantaisie. Le spectacle est au rendez-vous et ne mentira pas sur ses intentions, même quand il faudra marchander avec une renarde atypique, qui tient également les clés d’un monde ouvert. La suite de cet opus, Green Snake, est d’ailleurs disponible sur la plateforme Netflix depuis quelques mois, mais il convient de plonger dans les salles obscures, en quête de cette épopée.
« White Snake » (Báishé : Yuánqǐ) aura mis du temps avant de trouver le chemin des salles, malgré son ouverture à l’international et en passant notamment par Annecy. Mais le fait est qu’il nous accorde le droit de le découvrir dans de belles conditions, à côté des blockbusters occidentaux, qui n’ont plus rien à prouver, simplement parce qu’ils n’ont plus rien à raconter. Il serait judicieux de profiter d’une telle opportunité, pour méditer un peu sur ce genre de saveurs, qui donne envie de replonger dans la magie de l’animation, chose que Disney ne parvient plus à maîtriser, comme l’atteste l’abominable « Encanto ». Retenons tout bonnement une initiative rare et qui investira autant d’émotions que d’action dans ce premier tour de force.