L’Oiseau de paradis est né de l'envie de Paul Manate de tourner à Tahiti, où il a grandi. Le réalisateur voulait aussi développer l’idée de ces deux héros opposés et liés par une prédiction magique. Il explique : "Deux archétypes forts et mythologiques - la Sorcière et le Prince – qui se cherchent et se fuient. Il y a l’intention de confronter deux mondes, celui, mystique et tellurique de Yasmina, et celui, corrompu et superficiel de Teivi. Voir comment l’un agit sur l’autre, l’influence et le ronge sans réussir à le dominer totalement. Cela peut être vu comme un film politique, de « pouvoirs », mais pour moi, c’est d’abord un conte mystique et un film d’amour."
Yasmina est une cousine de Paul Manate, aujourd’hui disparue, avec qui il a passé une partie de son enfance. Elle venait de Rurutu, une île sauvage et rurale d’où la famille de la mère du cinéaste est originaire, et est venue habiter chez eux à Tahiti pour aller au collège et apprendre un métier. Le metteur en scène se rappelle :
"Yasmina me fascinait parce qu’elle prenait un plaisir fou à faire toutes sortes de travaux domestiques à la maison. (...) Moi, je l’aimais beaucoup parce qu’elle m’apprenait à pêcher, à cueillir des mangues, des trucs simples mais pratiques, d’aventuriers. Et le soir, elle me racontait des légendes pour m’endormir, des contes polynésiens mystérieux, effrayants et souvent tragiques. C’est elle qui m’a parlé de la légende de l’ogresse Hina, racontée au début du film. (...) Yasmina n’avait pas de pouvoir mystique, ce n’était pas une Tahu’a, mais j’ai aimé le croire, enfant, pour me construire mes propres mythes. Je suis parti du souvenir enfantin de cette drôle de relation, entre fascination, affection et répulsion, pour créer la Yasmina de fiction, une jeune fille à la fois soumise, puissante et intouchable."
Si réaliser un film à Tahiti a permis à Paul Manate d'être davantage créatif, cet éloignement a posé des problème au niveau du matériel de tournage. Le cinéaste explique : "A Tahiti, il y a de bons techniciens mais il n’y a pas de rails de travelling ! Question matériel, tout est un peu plus compliqué et donc plus cher. Nous avons dû faire venir caméra, objectifs et micros, de Métropole. On s’est débrouillé sur place pour remplacer une grue de cinéma par une nacelle d’« Electricité de Tahiti » ou encore emprunter des projecteurs dans les stocks de la chaîne locale « Polynésie Première »."
Blanche-Neige Huri incarne Yasmina et trouve pour l'occasion son premier rôle au cinéma. Née en 2000, elle réside dans le quartier populaire de Tiperui à Papeete. Elle a arrêté l’école à 13 ans pour travailler avec ses parents et son grand-frère dans l’atelier de couture familial aménagé dans leur maison. Paul Manate l’a trouvée dans la rue où elle vendait avec sa mère des "ti fai fai" cousus main - des couvertures de lit traditionnelles - devant un supermarché. Le réalisateur se souvient :
"C’est une vraie nature polynésienne, extrêmement timide mais profondément généreuse et sensible. Elle ne voulait pas participer au casting, c’est son frère qui l’a poussée à y aller mais, lors de nos premiers rendez-vous, elle était fermée à triple tour et ne disait pas un mot… Nous avons hésité à la choisir, refroidis par son mutisme, mais ces traits de caractère naturels, évidemment, nous intéressaient et correspondaient au personnage de Yasmina. Il y avait un risque mais nous avons passé beaucoup de temps ensemble pour qu’elle ait confiance en elle et en nous, et, dès le premier plan du premier jour de tournage, elle était là, pleine et magnétique."
Il n’y avait que deux véritables comédiens professionnels sur le plateau : Sebastian Urzendowsky qui joue Teivi, et Patrick Descamps qui interprète le député Gilot. Tous les autres sont des amateurs qui n’avaient jamais joué. Delphine Zingg, "coach" pour les interprètes non-professionnels (elle a notamment accompagné les non-professionnels sur Bande de filles de Céline Sciamma ou Félicité d’Alain Gomis), a effectué un précieux travail avec eux pendant plusieurs semaines en amont du tournage. Paul Manate précise :
"Elle créait des situations, des jeux de rôles pour les faire interagir, intégrer leur personnage, tester leurs limites émotionnelles. Ce n’est que dans les derniers jours que le texte est apparu avec beaucoup de souplesse dans son interprétation. Nous avons ensuite organisé quelques séances de répétition entre Sebastian, Patrick et les non-professionnels, afin qu’ils se confrontent et se jaugent mutuellement. Sur le plateau, je me concentrais sur les non-professionnels qui étaient parfois nombreux, et pas tous au même niveau de présence et de jeu."