On peut sans doute partir du postulat qu’un film avec Carey Mulligan à son générique ne peut être jamais complétement décevant tant la jeune actrice anglaise parvient à habiter ses personnages, compensant parfois la faiblesse d’un scénario ou d’une mise en scène. C’est le cas avec « Promissing young woman » où elle met son talent à la disposition de sa compatriote Emerald Fennell, ancienne actrice anonyme passant à la réalisation. Le scénario écrit par Emerald Fennell pour lequel elle a reçu un Oscar en 2021, est sans aucune doute habilement construit pour imbriquer un proto-thriller au sein d’une dénonciation en règle de la sexualité masculine qui même au-delà d’apparences policées ne pourrait réellement s’accomplir pleinement qu’au travers d’une soumission totale du sexe opposé quand ne s’y ajoute pas l’humiliation et l’avilissement. Certes, de-ci-delà Miss Fennell apporte quelques nuances à son propos, dénonçant la lâcheté de certaines femmes complices passives car apeurées ou pire perverties par le carriérisme effréné que leur ont inculqué des mâles dominants dont désormais on connaît la couleur de peau et les origines sociales majoritairement répandues. Essentialiser est certainement ce que ne voudrait pas qu’on lui reproche Emerald Fennell qui parsème son film de quelques leurres pouvant faire penser à un raisonnement équilibré mais celui qui se situe dans cette catégorie désormais brocardée et ostracisée ne peut plus désormais regarder un tel film sans se demander à la fin de celui-ci, de quoi il est malgré lui coupable. En effet, selon Emerald Fennell, tous les agresseurs sexuels ne sont pas des violeurs en série mais le plus souvent de supposés bons bougres qui lors d’une soirée arrosée comme un bizutage ou un enterrement de vie de garçons se sont laissé aller à leurs instincts les plus primitifs toujours présents même si endormis.
Le personnage du pédiatre incarné par Bo Burnham en fournira la plus belle démonstration, parvenant même sur la presque totalité du film à tromper Cassie, interprétée par Carey Mulligan, qui après avoir entamé brillamment des études de médecine, les a stoppées net pour retourner vivre chez ses parents, où à trente ans passés elle occupe sans grande conviction un poste de serveuse. La nuit est en réalité son terrain de jeu où simulant l’ivresse, elle aguiche de jeunes hommes qui immanquablement en profitent pour tenter d’abuser d’elle avant qu’elle ne les ramène brutalement à leur réalité de mâles pas encore déconstruits. Des mâles violeurs en puissance mais bizarrement tétanisés quand la frêle Cassia les menace de son regard accusateur
. Un petit bâton est ensuite doctement coché sur un carnet soigneusement tenu par Cassie une fois rentrée dans le cocon rassurant de sa chambre enfantine. On comprend vite qu’un traumatisme profond tourmente la jeune femme qui va faire la rencontre d’un ancien camarade d’université qui par son comportement de mâle pleinement rééduqué va tout à la fois la rassurer mais aussi réactiver son traumatisme. L’intrigue se poursuit dès lors sur la tonalité d’un suspense bien orchestré mais aussi un peu désincarné tant l’envie d’être en phase avec l’humeur du moment qui anime la réalisatrice est patente. Dans ce de film à message qui ne veut pas clairement dire son nom, espérant sans doute par voie subliminale contribuer à remettre dans le droit chemin toute une nouvelle génération d’humains du genre masculin encore sauvables (pour les plus de cinquante ans, la cause est malheureusement entendue), le talent de Carey Mulligan parvient malgré tout à émerger en jouant avec dextérité de la candeur adolescente encore portée par un visage pouvant soudainement afficher les stigmates de la dureté d’une femme meurtrie et en colère. Cette manière de raconter une histoire est sans doute appelée à devenir monnaie courante dans les années à venir mais rien ne dit qu’elle portera pleinement ses fruits, pouvant peut-être même soulever une réaction contraire ramenant la femme des décennies en arrière. Celui qui a déjà quelque pratique de l’âge adulte et qui ne se reconnaît pas dans le portrait dressé du sexe qui est le sien aurait sans aucun doute été, il y quelques années, choqué par le spectacle exposé de certains sans aucun doute trop nombreux qui n’ont rien compris à ce que veut dire une relation consentie et aurait donc applaudit des deux mains à ce film plutôt bien fichu. Mais le nombre impressionnant de bâtons qui remplissent les pages du carnet de Cassie ne laisse aucun doute sur le fait que chaque homme doit désormais se méfier de lui-même comme de la peste sans parler des femmes qui pour être pleinement sûres de leur relation devront enquêter pour savoir si celui qui les prend tendrement dans ses bras ne s’est pas un jour conduit comme un sauvage. Penser de la sorte serait nier qu’une grande majorité de la gent masculine a déjà réfléchi à sa propre condition sans avoir besoin qu’on lui injecte en intraveineuse le discours lancinant de la repentance sur des comportements qui ne lui ont même jamais effleuré l’esprit. Dénoncer, un réalisateur français aujourd’hui disparu, comme Serge Leroy, l’a fait dès 1975 dans « La traque », exposant crûment le rapport de domination, la lâcheté et la solidarité de classe qui pouvaient unir un groupe d’hommes devant faire face à l’irréparable. En ces temps moins propices, d’autres nombreux réalisateurs l’ont également courageusement fait, montrant que le cinéma pouvait être utile à la progression des rapports sociaux sous toutes leurs formes. Espérons qu’Emerald Fennell qui visiblement ne manque pas de talent, notamment concernant la direction d’acteurs, va donner à son cinéma d’une tonalité plus fédératrice.