Un an après Stereo, David Cronenberg récidive dans un deuxième long-métrage avec lequel son premier essai psychotique, austère et complètement hermétique semble former un diptyque. On y retrouve la même équipe d'acteurs non professionnels (des amis du jeune étudiant en cinéma), les mêmes procédés techniques (35 mm, refus d'une prise de son en direct pour éviter le bruit gênant du matériel désuet utilisé...), la même technique narrative par voix-off (même si le ton est cette fois davantage narratif que descriptif). Notons quand même l'utilisation de la couleur, pas très poussée mais dont le grain pauvre concourt justement à un sentiment de malaise, de délabrement plus efficace que celui de Stereo. On remarque également l’apparition d'un mixage sonore expérimental, se voulant évocateur des profondeurs marines et au moins aussi insondable. A la fois coordonné et en décalage avec les actions des personnages, on peine vraiment à décider si cette ambiance sonore est diégétique ou non, ce qui renforce la gêne en même temps qu'elle immerge un minimum dans l'image folle et absconse qu'on a sous les yeux. J'en finirai avec la technique en parlant des cadrages, sur lesquels je n'ai pas grand avis, puisque la quasi-absence de piste de visionnage et de lecture proposée par Cronenberg empêche à tout moment de juger si ses plans sont pertinents, ingénieux, évocateurs (...). De quoi rappeler qu'au cinéma, si le fond est tributaire de la forme, la forme aussi est tributaire du fond ! Le sentiment de personnages écrasés par leur environnement faussement moderne, clinique et insondable est quand même palpable grâce aux nombreux plans larges et écrasés, mais pour le reste, je vous laisserai décider par vous-mêmes. Si vous avez le courage de vous infuser la soupe indigeste que sert Cronenberg en guise de propos (à moins, certainement, qu'il n'en offre tout simplement aucun). Car Stereo, au moins, jouait habilement avec les méninges - tout en restant hyper opaque c'est vrai - grâce aux textes servis à la voix-off et aux domaines théoriques étudiés. Là, on suit sans le moindre intérêt le parcours d'un homme vers la folie, à travers les habituels (chez Cronenberg, qui les a brassé sans arrêt depuis) thèmes de la contamination des maux physiques et psychiatriques. Je suis donc, malgré tout mon respect pour le canadien dont le cinéma est ici contenu en germes, obligé de sanctionner. Insondable, désincarné et assez insidieux, le monde de Stereo et Crimes of the future a quelque chose et pourra en marquer certains. Mais Cronenberg n'aura franchement maintenu mon intérêt que 15 minutes sur 120, la faute à un traitement complètement opaque, volontairement alambiqué, de sujets qu'il a heureusement abordés avec des idées nettement plus accessibles tout en restant fin et puissant par la suite. Branlette intellectuelle ou expérience cinématographique, appelez ça comme bon vous semble. Mais si vous devez en discuter, ce sera sans moi.