La réalisatrice s’est nourrie du couple que formait sa mère et son mari de l’époque originaire de Kinshasa, au Congo : « Malgré toutes leurs difficultés, ils formaient un couple incroyable. Un couple lumineux, non seulement par leurs différences, mais aussi par leur résilience, leur humour et par l’énergie qu’il y avait entre eux. »
Lisa Bierwirth ne souhaitait pas raconter l’histoire de sa mère. Elle a ainsi effectué des recherches et interrogé des personnes pour prendre en compte les difficultés qu’un couple mixte peut rencontrer. Au-delà des obstacles extérieurs évidents (le racisme, les contrôles de police, la peur de l’expulsion) qui pesaient sur la relation, la réalisatrice souhaitait se pencher sur la lutte personnelle dans un tel couple : « Elle me semblait incroyablement compliquée et difficile. Progressivement, j’ai compris qu’elle n’était pas seulement enracinée dans leurs différentes cultures, leurs environnements sociaux ou leurs origines. » Avec le co-scénariste Hannes Held, « nous avons surtout essayé de comprendre si les conditions sociopolitiques, et donc les structures et conflits post-coloniaux en particulier, se reflétaient aussi dans la sphère privée [...] ».
Pour écrire le personnage de Joseph, Lisa Bierwirth a dû s’aventurer en territoire inconnu : « J’ai passé de drôles de nuits blanches à me demander si je pourrais rendre justice à cette perspective. J’ai interrogé de nombreuses personnes de la diaspora africaine, surtout des Congolais et des Angolais, j’ai lu beaucoup de fictions et les comparais tout le temps à la réalité. En fait on a essayé de creuser assez loin pour que son personnage devienne accessible. » En dépit de ces recherches, elle a toutefois tenu à rendre le personnage indéchiffrable « parce qu’il a une forte identité individuelle ». Elle ajoute : « Tout cela fait partie de la construction d’une défiance qui, je l’espère, interrogera le spectateur autant que Monika : puis-je laisser mon partenaire simplement être et aimer sans tout comprendre ? En fin de compte, c’est une question d’intuition ».
Avec Le Prince, le rappeur Passi décroche son premier grand rôle au cinéma, après avoir été aperçu dans Ze Film (2005) et Skate or Die (2008). La réalisatrice ignorait tout de son parcours quand elle l’a rencontré : « Cela faisait longtemps que je cherchais quelqu’un qui pourrait porter le titre de « Prince » avec autant de dignité, de délicatesse et de vulnérabilité. Moi qui ne connaissais pas sa carrière musicale en France, je suis très excitée à l’idée que le public français va pouvoir le découvrir sous une toute nouvelle facette. »
Lisa Bierwirth souhaitait avant tout avec ce film signer un mélodrame, un film d’amour sur « deux figures de deux mondes qui s’entrechoquent ». Elle ne nie cependant pas la dimension politique inhérente à son histoire : « En fin de compte, le cinéma pour moi est une étude des questions sociales, et en soi elles sont toujours politiques ».
Le Prince se déroule à Francfort, considérée par la réalisatrice comme le lieu idéal pour dérouler son histoire. Siège de la Banque Centrale Européenne, de l’une des plus grandes bourses du monde et de très nombreuses entreprises internationales, la ville allemande symbolise l’argent mais est aussi un lieu cosmopolite où les contraires se rencontrent : « Le quartier des affaires côtoie le quartier de la gare, où se croisent chaque jour les prostituées, les artistes, les touristes, les cadres supérieurs et toute une foule de gens du monde entier, c’est une sorte de New York à toute petite échelle ».