Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2019, le film reçoit le prix d'interprétation féminine pour Emily Beecham.
Le point de départ de Little Joe est "le secret que chacun porte en soi" selon la réalisatrice. Elle explique : "C’est toujours un secret difficilement compréhensible pour les autres, mais aussi pour l’individu lui-même. Ce mystère qui est en nous va émerger soudainement, et tout ce qui nous a paru familier jusque-là va sembler tout à coup énigmatique". Elle présente son film comme une parabole de ce mystère qui devient tangible par le biais de cette plante qui a le pouvoir de transformer les gens.
Avec la co-scénariste Géraldine Bajard, Jessica Hausner voulait créer une ambiguïté par rapport aux comportements des personnages : changent-ils en raison de leur état psychologique, du pollen inhalé ou sont-ils le fruit de l'imagination de Bella ou Alice ? "Notre souci était de créer une atmosphère au sein des scènes qui permettrait au public de s‘interroger sur l‘intégrité des personnages impliqués" explique la réalisatrice.
Le personnage d'Alice a créé Little Joe qui semble peu à peu échapper à son contrôle. La réalisatrice s'est inspirée des organismes qui sont le fruit d’une manipulation génétique et dont il est impossible de savoir avec certitude quels dangers cela peut dissimuler. Elle explique : "Sans vouloir prendre parti, je me suis intéressée à ce sujet d’actualité qui semble lié, d’une part, à l’étendue des progrès scientifiques réalisés, et d’autre part, aux semi-vérités qui se propagent sur Internet. C’est aussi un sujet lié à une étrange prise de conscience selon laquelle même les scientifiques ne font parfois que des suppositions sans avoir de véritables certitudes. On a donc là un terreau fertile pour toutes sortes de théories du complot".
La réalisatrice a privilégié des couleurs comme le vert menthe, le blanc et le rouge afin de donner au film les caractéristiques d'un conte de fées ou d'une fable. Par exemple, la coiffure de l'héroïne ressemble ainsi à un champignon rouge vif. Avec le directeur de la photographie, Martin Gschlacht, elle a voulu aller au-delà des limites du réalisme : "C’est un sujet qui nous intéresse tous les deux particulièrement : tant par le biais de l’esthétique que par le cadre. Ce cadre tente de remettre en question la réalité en jouant avec différentes perspectives : entre ce que le spectateur voit et ne voit pas, nous entretenons une certaine incertitude au sujet de ce que l’on cache".
La costumière du film, Tanja Hausner, n'est autre que la soeur de la réalisatrice. Cette dernière revient sur leur collaboration : "Il est difficile, à partir simplement des costumes créés par Tanja, de pouvoir identifier à quelle période le film se situe. Ses créations cherchent à créer leur propre réalité. Il y a des pièces essentielles et reconnaissables instantanément, comme des boucles d’oreilles en perles et un chapeau rouge, qui reviennent sans arrêt. Les couleurs utilisées le sont aussi en fonction du décor".
La musique du film n'a pas été spécialement composée pour le film. Elle a été empruntée à l'album Watermill de Teiji Ito. "J'ai tout de suite eu le sentiment qu’elles avaient été composées pour notre film. J’avais cette musique en tête quand j’ai travaillé sur le story-board, je savais déjà quel morceau de musique irait sur tel ou tel mouvement de caméra", explique la réalisatrice.
Ce musicien japonais a composé dans les années 1940 la musique des films expérimentaux de Maya Deren, une cinéaste qui a beaucoup inspiré Jessica Hausner.
Il s'agit du premier film en langue anglaise de Jessica Hausner, qui est d'origine allemande. La réalisatrice a apprécié l'expérience : elle considère que la langue de Shakespeare permet d'exprimer beaucoup de choses en anglais sans excès de sentimentalisme. Tourner dans une langue étrangère lui a permis d'être plus concentrée car "je pense qu’il est essentiel de ne pas se sentir trop à l’aise et de ne pas trop faire de fixation sur des détails".