Osons l’avouer : il y a 2 ans, nous n’avions pas été vraiment convaincu par "Tesnota", le premier long métrage du jeune réalisateur russe Kantemir Balagov, présenté à Cannes 2017 dans la sélection Un Certain Regard et, par ailleurs, encensé par une grande partie de la critique. La raison de notre circonspection ? Elle se trouvait dans la conclusion de notre critique : « Un film gâché par la recherche excessive d’effets permettant à un jeune réalisateur, du moins l’espère-t il, de se faire remarquer. Certes, il n’y a pas que du négatif dans ce qu’il nous propose, mais on se permettra modestement de lui donner un conseil : dans sa production future, qui ne manquera pas d’arriver, qu’il sache faire le bon choix entre film cherchant avant tout à impressionner un certain public festivalier en faisant dans l’esbroufe et film plus humble cherchant avant tout à passionner les cinéphiles qui se rendent dans les salles ». Nous n’aurons pas l’outrecuidance de croire que Kantemir Balagov a eu connaissance de cette critique et, qu’en plus, il en a tenu compte, mais le résultat est là : un deuxième long métrage beaucoup plus sobre, beaucoup moins poseur, un film qui a obtenu le Prix de la mise en scène de la sélection Un Certain Regard de Cannes 2019.
C’est dans l’essai « La guerre n’a pas un visage de femme » de l’écrivaine biélorusse Svetlana Aleksievitch, lauréate du Prix Nobel de littérature en 2015, que Kantemir Balagov et Alexandr Terekhov ont puisé leur inspiration pour l’écriture du scénario de "Une grande fille", un livre qui montre l’importance (trop peu connue et reconnue !) du rôle des femmes dans les combats menés par l’Union Soviétique lors de la 2ème guerre mondiale. Des femmes à la fois combattantes et mères, combattantes et infirmières, combattantes et objets de désir. C’est dans un hôpital de Leningrad, durant l’automne qui a suivi la guerre, avec un nombre limité de personnages, que les deux scénaristes ont choisi de concentrer leur vision de cet héroïsme féminin. Le résultat qu’on voit à l’écran est un film dans lequel règne une atmosphère très particulière, faite de lenteur, le réalisateur s’attachant à exprimer les émotions au travers des gestes et des regards. Il le fait avec des plans-séquence souvent très longs allant même parfois jusqu’au syndrome « kékichien », quelques plans durant au delà de la limite du raisonnable, l’exemple le plus notable étant la scène de la « danse de la toupie », beaucoup, beaucoup trop longue.
Même s’il n’a pas totalement gommé les défauts qu’on avait décelé dans "Tesnota", Kantemir Balagov, bien aidé par sa directrice de la photographie Kseniya Sereda, montre qu’il est vraiment un réalisateur prometteur et il n’est pas interdit de penser que son prochain film ne sera plus dans la sélection Un Certain Regard et entrera plutôt dans la compétition pour la Palme d’Or.