André Bonzel revient avec une œuvre profondément personnelle et éloignée de ses débuts sulfureux. Si son compagnon de route, Benoît Poelvoorde, a marqué durablement le cinéma avec sa carrière prolifique, Bonzel, quant à lui, s’était presque effacé de la scène. Avec Et j’aime à la fureur, il nous livre un documentaire intime qui tient autant de la confession que de l’exploration de souvenirs, un projet porté par un regard à la fois nostalgique et curieux sur sa propre existence.
Ce documentaire, dont le titre poétique emprunte à Baudelaire, est une mosaïque visuelle construite à partir des archives personnelles d’André Bonzel. Celles-ci mêlent des bobines collectées toute sa vie à des films qu’il a lui-même réalisés en Super 8, dès son adolescence. Ce récit visuel dévoile des pans méconnus de sa vie et de celle de ses ancêtres, notamment une branche bourgeoise enrichie par un aïeul inventeur. La narration, ponctuée par un humour teinté de mélancolie, nous transporte des plages de la Côte d’Opale à l’intimité d’une jeunesse bercée par la découverte du cinéma grâce à un oncle passionné. Chaplin et Keaton figurent parmi les premières inspirations d’un jeune Bonzel qui, caméra à la main, immortalise ses premiers émois et ses amitiés.
Pour autant, ce documentaire n’ambitionne pas d’offrir une fresque historique ou sociologique. Il se concentre exclusivement sur l’individu, revendiquant une dimension hautement introspective. Ce nombrilisme assumé pourrait rebuter certains, mais il révèle surtout une sensibilité touchante. Bonzel partage avec une honnêteté désarmante ses échecs, notamment l’impossibilité de capitaliser sur le succès fulgurant de son premier film, « c’est arrivé près de chez vous ». Cependant, loin de sombrer dans l’amertume, il célèbre la vie qu’il a bâtie grâce à l’amour et à la famille, trouvant une paix intérieure inattendue.
L’œuvre brille par son habileté à transformer des fragments d’images privées en un récit universel. Le spectateur y découvre, avec un mélange de tendresse et de fascination, l’évolution d’un homme qui a su, malgré les revers, préserver une créativité débordante. Plus qu’un simple documentaire, Et j’aime à la fureur est un hommage vibrant à la mémoire, aux petites joies, et à cette rage de vivre qui traverse les décennies.