Il a fallu dix ans à Giacomo Abbruzzese, dont c'est le premier long-métrage, pour réaliser Disco Boy. L’idée originelle vient d’une rencontre dans une boîte de nuit avec un danseur qui avait été soldat : "Cela m’avait énormément intrigué, du fait des points de contact inattendus entre ces deux réalités : la discipline très forte, une sorte de plaisir pour l’effort extrême, le besoin de terminer une journée en étant complètement épuisé. Aleksei, le personnage principal, vient de ce noyau : un soldat qui devient danseur en accomplissant le rêve de son ennemi."
Le personnage de Jomo mène une lutte armée pour protéger son village dans le delta du Niger, au sein du MEND, le Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger. Le réalisateur a découvert ce mouvement quinze ans plus tôt : "Je ne raconte pas l’histoire du MEND dans le film, mais au départ c'était un mouvement pacifiste dont le leader s’est fait assassiner dans une prison nigériane. Suite à cela, le groupe a pris les armes et une autre dimension : opérations commando (enlèvements, rançons) avec parfois des dérives un peu mafieuses, du racket. J’avais vu des vidéos et des entretiens de plusieurs de ses militants au début de leur engagement ; ils tenaient un discours politique clair, qui me faisait penser parfois à Sankara."
C'est ainsi que Giacomo Abbruzzese qualifie son film. Des techniciens aux acteurs, une quinzaine de nationalités ont travaillé sur Disco Boy. Le réalisateur souligne : "Quasiment tous les acteurs de Disco Boy ne parlent pas la langue qu’ils jouent. C'est un parti pris artistique, qui donne toute une autre musicalité et qui inscrit l'altérité dans l'utilisation de la langue également."
Le réalisateur avait pour ambition de faire un film de guerre atypique, où les deux camps existeraient à l'écran à part entière, sans être réduits à l'état d'ennemi ou de victime. Giacomo Abbruzzese voulait aussi que ce soit un voyage intérieur, marqué par le roman Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, et son adaptation cinématographique, Apocalypse Now : "Il y a une perméabilité entre le décor et le personnage, les lieux traversés et habités racontent l'état d’âme d'Aleksei. Son évolution, aussi. J'ai cherché au montage une structure sensorielle, avec une sorte de vortex au centre du film, la danse."
Morr Ndiaye qui joue Jomo, est arrivé en Europe étant mineur, après avoir émigré par bateau, en passant par la Libye où il a subi la torture. Giacomo Abbruzzese l'avait remarqué dans un documentaire de ses producteurs italiens à propos de réfugiés dans un centre en Sicile auxquels ils avaient donné des téléphones portables pour filmer leur vie. Au départ, il voulait lui donner un petit rôle mais son charisme l'a poussé à lui confier le rôle de Jomo. Néanmoins, le réalisateur a dû lui parler longuement pour le convaincre : "Ses geôliers étaient nigérians, raison pour laquelle il ne voulait pas jouer le rôle d’un Nigérian dans le film. Ils étaient ses bourreaux."
La bande originale du film est composée par Pascal Arbez-Nicolas, plus connu sous son nom de scène, Vitalic. Pour le réalisateur, c'était un rêve de collaborer avec lui. Il lui a demandé de composer des morceaux avant le tournage, en lui fournissant le scénario, quelques images, et en lui parlant du ton du film, désirant une musique "quelque peu abyssale, parfois écrasante, tantôt lyrique, tantôt mélancolique. Pendant l’été, avant le tournage, j’ai écouté ses morceaux. C’était parfait, exactement ce que je cherchais. Je les ai fait écouter aux acteurs et à la directrice de la photo pendant la préparation, pour qu'ils s'imprègnent de ces sonorités. Dans la scène de la boîte de nuit, on a organisé une vraie fête et Vitalic était aux platines !"