Après quinze minutes de film, et devant toutes ces belles images, je ne cessais de me demander : "Mais pourquoi ça ne prend pas ? pourquoi ça ne prend pas ?". Et pendant un instant, ce fut un vrai mystère. Cancion sin nombre est une immersion dans le Pérou des années 1980, époque de crise politique, économique et morale du pays. Le film traite d'un sujet à la fois social et politique : l'enlèvement d'enfants de familles pauvres. La mise en scène est superbe, composée de plans d'un noir et blanc élégant qui rappellent autant Ida, que Eraserhead ou encore The Lighthouse. Alors pourquoi ça ne prend pas ? Eh bien parce qu'entre les deux qualités extrêmes que sont le thème traité et la mise en scène, il n'y a pas de chair. La femme éplorée, son mari, le journaliste qui s'intéresse à leur cas, ne sont pas des personnages, des êtres humains, des individus ; ce sont juste des types sociaux. Il y a des cinéastes qui en un plan de 10 secondes arrivent à faire vivre un premier ou un second rôle. Dolan par exemple, dans son dernier film, donnait consistance à un figurant en un rien de temps. Là, les minutes passent et les caractères restent des entités abstraites, prises dans un drame qui les dépasse. Le film, aussi beau soit-il, devient vite une mécanique au devenir évident que le scénario ne cherche même pas à contredire. Bref, bof, bof, bof... Allez plutôt voir Mosquito...Et au passage, retournez peut-être au cinéma... ça a rouvert... mais y'a personne...