Une gigantesque usine Amazon au milieu de nulle part, une réserve naturelle, un fast-food... tout ce qu'on trouve au fin fond des Etats-Unis, et parmi les employés, des nomades. Non pas sans-abris, mais sans maison (la distinction sonne mieux en vo : "homeless" vs "houseless"). Soit par choix, soit par manque d'argent, ils arpentent les magnifiques paysages américains capturés avec brio par une photographie saisissante. Et dans ce film, ils témoignent.
La tournure quasi-documentaire que prend le film dès le départ peut destabiliser, mais on s'y fait rapidement et on entre dans l'intimité des personnages à une vitesse folle. C'est le quotidien de Fern (Frances McDormand dans un jeu discret et subtil), une de ces voyageuse, pendant 1 an sous forme d'un cycle, avec ses recontres amicales, amoureuses, familiales, professionelles, et sa vie à part. Mais, plus que raconter cette histoire, le film s'intéresse à ce que les personnages secondaires ont à raconter. On capture tout ce que cette année aux côtés de Fern lui a donné et on découvre une autre Amérique, sans pour autant s'en étonner. Normal, rien dans le film ne veut nous en mettre plein la vue ou semble vouloir attirer notre attention, d'où ce côté documentaire et sans morale.
Cette sensibilité non feinte de la part de l'équipe et de la réalisatrice Chloé Zhao (dont j'attends l'arrivée tonitruante dans la grosse production avec "The Eternals", lui laisseront-ils cette subtilité ?) est plaisante à voir, et surtout il est plaisant de voir qu'elle est mise en avant dans une cérémonie comme celle des Oscars. On nous laisse vivre ce qu'on nous montre sans nous guider, cette liberté fait du bien.